3 min de lecture
Pier Paolo Pasolini au Festival de Cannes le 22 mai 1974.
Crédit : Raph GATTI / AFP
Je m'abonne à la newsletter « Infos »
Par une nuit froide de l’automne 1975, à Rome, l’Italie perdait l’un de ses artistes les plus dérangeants et les plus engagés. Le 2 novembre, au petit matin, le corps mutilé de Pier Paolo Pasolini, écrivain, cinéaste et intellectuel libre, était retrouvé dans le sable d’Ostie, battu, défiguré, puis achevé par une voiture.
Dès les premières heures, la police arrête un adolescent de 17 ans, Giuseppe Pelosi, surnommé "Pino la Grenouille", retrouvé au volant de l’Alfa Romeo de Pasolini. Il avoue le meurtre, évoque une dispute d’ordre sexuel, et affirme avoir agi seul, en état de légitime défense. Un scénario simple, presque trop limpide.
"Quelqu'un comme Pelosi, qui d'abord n'avait pas de traces de sang, à part une toute petite goutte, ne pouvait pas avoir frappé, tué, massacré de cette manière-là un homme très vigoureux en plus. Et bien sûr, qui est très sportif", explique Yan Ciret, journaliste, dans L'Heure du crime sur RTL.
Les légistes, les témoignages, les incohérences... Rien ne colle. Le corps de l'homme de 53 ans, présente des blessures infligées par plusieurs armes, à différents endroits du corps. Aucune trace de sang sur les vêtements de "Pino", aucune preuve tangible de son implication directe dans la mise à mort. Et surtout, des éléments étrangers sur les lieux du crime : une semelle orthopédique, un pull inconnu et des traces de pas multiples. Les doutes s’installent.
Dès 1975, la journaliste Oriana Fallaci évoque une thèse alternative : celle d’un guet-apens, peut-être commandité, peut-être politique. Pasolini, ouvertement homosexuel, marxiste convaincu, n’épargnait personne dans ses critiques : ni la bourgeoisie, ni les fascistes, ni les communistes officiels, ni l’Église. Ses films, comme Salo ou les 120 journées de Sodome, dérangeaient autant qu’ils fascinaient. Et il enquêtait, disait-on, sur des trafics louches mêlant pouvoir, mafias et milieux d’extrême-droite.
La thèse d’un assassinat ciblé prend forme : le cinéaste aurait été attiré sur la plage d’Ostie sous le prétexte de récupérer des bobines de film volées.
En 2005, lors d’une émission télévisée, Pino Pelosi bouleverse l’affaire : il avoue n’avoir jamais tué Pasolini. Il n’était, dit-il, qu’un témoin désigné, un bouc émissaire commode. Il affirme que plusieurs hommes, dont il évoque les accents siciliens, ont massacré le cinéaste sous ses yeux. Plus tard, en 2011, dans un second livre, il donne des noms : les frères Borsellino, militants néofascistes, déjà morts à ce moment-là.
"Tout ce qui a été raconté sur cette affaire, à mon avis, est un scénario construit. On sait qu'une description qui implique l'idée qu'un homme d'un certain âge paye quelqu'un qui est encore mineur, qui est prostitué, etc., a été envoyé à tous les journaux avant même que Pelosi soit arrêtée. Et ce qui veut dire que quelqu'un a fabriqué ce scénario qui serait le plus néfaste à Pasolini et qui permettrait peut-être de "sauver" un peu son assassin", avance Hervé Joubert-Laurencin, spécialiste de Pier Paolo Pasolini.
L'intellectuel repose à Casarsa, dans sa région natale du Frioul. Mais son fantôme continue de hanter l’Italie.
- Yan Ciret, journaliste, écrivain et documentariste.
- Marcelle Padovani, journaliste et correspondante en Italie pour l'hebdomadaire L'Obs.
- Hervé Joubert-Laurencin, professeur de cinéma, cinéaste et spécialiste de Pier Paolo Pasolini.
Bienvenue sur RTL
Ne manquez rien de l'actualité en activant les notifications sur votre navigateur
Cliquez sur “Autoriser” pour poursuivre votre navigation en recevant des notifications. Vous recevrez ponctuellement sous forme de notifciation des actualités RTL. Pour vous désabonner, modifier vos préférences, rendez-vous à tout moment dans le centre de notification de votre équipement.
Bienvenue sur RTL
Rejoignez la communauté RTL, RTL2 et Fun Radio pour profiter du meilleur de la radio
Je crée mon compte