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Affaire des sœurs Papin : "Les arracheuses d'yeux" étaient-elles conscientes de leur effroyable crime ?

PODCAST - Le 2 février 1933 au Mans, Christine et Léa Papin commettent un crime inédit : les deux domestiques tuent leur patronne et sa fille en leur arrachant les yeux. Dans "Les Voix du crime", l'avocate Julia Minkowski revient sur ce meurtre qui a bouleversé la France des années 30.

Portrait des soeurs Christine et Léa Papin, aux alentours de 1928.
Crédit : Domaine Public/auteur inconnu
62. Affaire des Soeurs Papin : 90 ans après, retour sur l'horrible crime des "arracheuses d'yeux"
00:27:27
Marie Zafimehy
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C'est un crime vieux de 90 ans. Le 2 février 1933 dans le centre-ville du Mans, Christine et Léa Papin avouent le meurtre de leur patronne Léonie Lancelin et de sa fille Geneviève. "Leur version des faits c'est qu'elles ont tout commis ensemble", raconte près d'un siècle après Julia Minkowski dans Les Voix du crime. L'avocate est l'autrice du roman Par-delà l'attente (JC Lattès, 2022) qui retrace l'affaire du point de vue de Germaine Brière, engagée pour assurer la défense des deux domestiques.

Cette pionnière - elle est la première femme avocate inscrite au barreau du Mans - se trouve face à un crime inédit : non seulement celui-ci a été commis par deux femmes, mais il est aussi caractérisé par une énucléation, c'est-à-dire que les yeux des deux victimes ont été arrachés... de leur vivant. Dès le lendemain du meurtre, toute la France se pose une seule et même question : qu'est-ce qui a bien pu conduire Christine et Léa, "deux perles", à cette horreur ?

"Manifestement, Christine Papin était de plus en plus agitée dans les derniers mois, encore plus dans la semaine" qui avaient précédé le crime, explique Julia Minkowski qui s'est plongée dans les archives pour écrire son livre. "Une fois placée en détention, elle va faire un certain nombre de crises. Et donc ce qu'on peut penser, c'est qu'il y a eu une petite étincelle, un élément déclencheur entre elle et ses patronnes et que ça a déclenché une de ces crises."

Christine va arracher ses vêtements, lécher le sol, faire des signes de croix

Julia Minkowski

La crise la plus impressionnante est celle du 12 juillet 1933. À cette date Christine et Léa Papin sont emprisonnées à la Visitation, dans la prison pour femmes du Mans. "Elle va arracher ses vêtements, lécher le sol, faire des signes de croix, dire qu'elle voit sa sœur Léa pendue à un arbre, raconte Julia Minkwoski. On va devoir lui mettre la camisole de force, la placer à l'isolement dans les combles de la maison d'arrêt, l'attacher à son lit. Enfin, elle est vraiment dans un état second."

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Dans la foulée de cette crise, Christine disculpe sa sœur Léa. "Mais Léa Papin continue à dire qu'elle a participé au crime, donc les deux versions ne concordent plus. Elles ne peuvent plus être défendues par le même avocat", relate Julia Minkowski. Pendant toute la suite de l'affaire, Germaine Brière défendra Christine et confiera sa seconde cliente à son confrère, Pierre Chautemps.

En parallèle de ces rebondissements, les expertises du dossier sont formelles : Christine est saine d'esprit, chose à laquelle Germaine Brière ne croit pas. "Elle se déplace à la maison d'arrêt et elle voit bien dans quel état est sa cliente. Enfin, elle se dit 'Mais cette femme est parfaitement folle et si elle est folle, elle n'est pas responsable pénalement et si elle n'est pas responsable pénalement, elle ne peut pas être condamnée ou du moins pas la peine maximale'", devine Julia Minkowksi.

Ce qu'elle va demander aux jurés, c'est de ne pas statuer

À l'époque, la peine maximale est synonyme de guillotine. Un épilogue que Germaine Brière souhaite éviter à tous prix. "Elle va demander à ce que son propre expert puisse venir examiner Christine Papin, le Dr. Logre. C'était un expert reconnu des tribunaux des cours d'assises", résume Julia Minkowski.

"Elle va le faire venir à l'audience mais le président de la cour d'assises, qui ne l'a pas autorisé à examiner les sœurs, va lui dire 'Écoutez docteur, c'est très intéressant tout ce que vous nous dites, mais avez vous examiné les accusées ?' La réponse est non, puisque justement, c'est lui qui l'en a empêché."

Germaine Brière ne va pas se laisser déstabiliser et va plaider de façon "extrêmement moderne", affirme Julia Minkowski. "Ce qu'elle va demander aux jurés, c'est de ne pas statuer", rapporte l'autrice. "Elle leur dit 'vous allez être seuls et vous devez sortir en disant Nous ne prendrons pas de décision tant qu'il n'y aura pas eu de contre-expertise, tant que le docteur Logre n'aura pas pu examiner Christine et Léa. Elle prend un assez gros risque en fait en faisant ça."

Germaine Brière avait bien raison avant tout le monde : la place de Christine n'était pas en prison

La salle d'audience est conquise... pas les jurés : Christine écope de la peine capitale, Léa de dix ans de travaux forcés. "Il y a vraiment un étonnement sur la décision qui est prise à l'encontre de Christine, c'est ce qui ressort des chroniques judiciaires de l'époque, raconte Julia Minkowski. Elle ajoute : "Christine Papin, quand elle reçoit le verdict, elle tombe à genoux, en position de prière. C'est finalement la première fois qu'elle montre une véritable réaction de tout le de tout le procès".

Les sœurs Papin sont incarcérées mais Christine ne restera pas longtemps en prison. "Au bout de quelques mois, elle va être transférée à l'asile. Manifestement, le directeur de la prison a, lui, considéré que sa place n'était pas là. Et au final, Germaine Brière avait bien raison avant tout le monde : sa place n'était pas en prison", résume Julia Minkowski. En 1937, Christine Papin meurt de cachexie - un refus de s'alimenter. "A ce qu'on m'a dit, c'est assez fréquent chez les schizophrènes qui ne sont pas traités", indique Julia Minkowski, qui a pu discuter près d'un siècle après avec des psychiatres à qui elle a montré les expertises.

Léa Papin est elle sortie de prison dans les années 1940. "Elle a changé de nom, évidemment, et elle a repris une vie normale, loin de sa sœur", conclut Julia Minkowski. L'ex-domestique est décédée au début des années 2000. Elle ne s'est jamais exprimée sur le crime... Il n'existe pas d'ailleurs de certitude qu'elle y ait participé.

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>> Les Voix du crime sont avocats ou avocates, enquêteurs ou enquêtrices, proches de victimes, de suspects ou de coupables. Ces témoins-clefs se confient au micro des journalistes de RTL. Des témoignages inédits, qui apportent un éclairage nouveau sur la justice et les grandes affaires criminelles d’aujourd’hui.

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