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Affaire Frédéric Guittard : piège machiavélique pour le roi de la rillette, au Mans
PODCAST - Pour cet épisode diffusé en direct depuis Le Mans, vendredi 13 septembre, "L'Heure du crime" revient sur l'affaire Frédéric Guittard. Ce riche quinquagénaire, ancien directeur commercial d'un fabricant de rillettes, est tué par balle, au Mans, en juin 2015. Après 6 mois d'enquête, les policiers découvrent un scénario machiavélique.
Arme à feu (illustrations)
Crédit : JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
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Lundi 29 juin 2015, Mélissa Guittard et sa meilleure amie Pauline pénètrent dans l'immeuble de son père, au 31 rue Albert Maignan, à proximité du centre-ville du Mans. Curieusement, la porte n'est pas verrouillée. Les filles avancent dans la semi-pénombre du salon. La télé est allumée. Frédéric Guittard, 51 ans, gît sur le dos, le torse et les pieds nus, le jean baissé qui dévoile son intimité.
"Le directeur d'enquête dira aux assises qu'il n'avait jamais vu autant de sang sur une scène de crime. On en retrouvera partout, sur les murs, dans les meubles", rapporte Me Jonathan Proust, avocat au barreau du Mans et avocat d’une sœur de Frédéric Guittard, invité de L'Heure du crime sur RTL, délocalisé au Mans.
Le légiste compte quatre tirs par arme à feu, à la tempe, à la nuque, deux au thorax. Le décès remonte au jour-même, en milieu de matinée. Pourtant, Fréderic Guittard n'a jamais fait parler de lui. Il a longtemps occupé le poste de directeur commercial de la charcuterie familiale Prunier, à Connerré. Il l'avait quittée, il y a trois ans. Il vivait de ses rentes et de son allocation chômage confortable. Le "roi de la rillette", comme le surnomme un journal, est à la tête d'un gros patrimoine immobilier. Il dispose de six comptes en banque. Mais seul un ordinateur lui appartenant a été dérobé.
Les enquêteurs plongent dans la vie privée de Frédéric Guittard. Il est en instance de divorce de Touria Rafjaoui, mère de ses deux filles, Mélissa, 19 ans, Salomé, 14 ans. Une séparation difficile sur fond de désaccords financiers. Un testament, daté du 2 avril, exclut sa femme de la succession. Les amis du couple expliquent encore que l’épouse n’en pouvait plus des infidélités incessantes de Frédéric, un libertin qui ne se cachait pas, adepte des clubs échangistes et des sites de rencontres.
Seuls des proches étaient au courant de mon absence
Mélissa Guittard
Mi-août 2015, presque deux mois après l'assassinat de Frédéric Guittard, les enquêteurs restent troublés par le témoignage de Mélissa Guittard. Elle aurait dû être chez son père quand il a été tué. Elle a finalement passé le weekend chez sa mère. "Seuls des proches étaient au courant de mon absence", déclare-t-elle. Mélissa dit qu'un couple d'amis de sa mère, venus de Corse, étaient à la maison la veille du crime. Elle ne les connaissait pas. Il s'agit de Jean-François Ornano et Magalie Pinardaud, une amie proche de l'épouse. Les portables du couple corse bornent près de l'immeuble où a été tué Frédéric Guittard.
Lundi 28 janvier 2019, Touria Rafjaoui, 53 ans, et Jean-François Ornano, 44 ans, comparaissent devant la cour d'assises de la Sarthe, au Mans. Manque à l'appel, Magalie Pinardaud, découverte sans vie une semaine auparavant chez elle, à Ajaccio. Suicide ou mort naturelle, le diagnostic reste incertain. L'épouse de Fréderic Guittard dément avoir voulu faire du mal à son époux.
Un enquêteur ne peut pas affirmer que l’épouse était sur la scène de crime. Mais selon lui, deux personnes ont participé à l’exécution et ont déplacé le corps imposant de la victime. Le policier pense à Jean-François Ornano et à Magalie Pinardaud. "C'était un couple fusionnel. Je ne les imagine pas agir l'un sans l'autre", affirme-t-il. En garde à vue, Magalie Pinardaud, désormais décédée, avait raconté comment elle s’était fait ouvrir la porte par Frédéric Guittard. "J'apporte des carottes pour Babouche, le lapin de Salomé", avait-elle prétexté.
Qui a tiré ?
Mardi 5 février, coup de théâtre. Jean-François Ornano sort de son silence. Il affirme que Touria Rafjaoui lui a fourni à la fois l'arme et le badge d'accès à l'immeuble. Il dit s’être fait avoir. S’il y a une coupable selon lui, c’est l’épouse. "On essaie de me faire passer pour un monstre, mais je n'ai jamais tué personne", affirme Ornano.
Touria Rafjaoui lui répond en s’adressant à ses filles: "Je veux vous le redire, je n'ai pas tué votre père ni voulu sa mort". Elle écope de vingt ans de prison, quinze pour Jean-François Ornano. L'une de ses filles est formelle: "Ce qui s'est passé, moi et ma sœur, on ne s'en remettra jamais". La sœur renchérit: "Il n'y aura pas de reconstruction, pour moi c'est terminé".
Une enquête de police pointilleuse et deux procès d'assises n'ont pas permis de décrire l'exact scénario au cours duquel Frédéric Guittard a trouvé la mort.
"Je pense que Touria Rafjaoui ne supportait pas l'idée que Frédéric avait une belle vie devant lui alors qu'elle était décrite comme alcoolique, dépressif, menteuse et manipulatrice. On s'est demandé aussi pourquoi Jean-François Ornano et Magalie Pinardaud étaient venus de Corse pour abattre un homme qu'ils ne connaissaient pas. Il y avait une histoire d'achat de restaurant qui devait s'appeler La Veuve noire", dévoile Me Jonathan Proust, avocat au barreau du Mans et avocat d’une sœur de Frédéric Guittard. Un expert des traces de sang avait décrit l'extrême violence qui avait entouré le crime, un acharnement qui n'était pas destiné à blesser, mais bien à tuer.
Les invités de "L'Heure du crime"
- Me Jonathan Proust, avocat au barreau du Mans et avocat d’une sœur de Frédéric Guittard.
- Julien Belaud, journaliste police/justice au journal Ouest France.
- Major Cyrille Gabillard, directeur d’enquête dans cette affaire.
