Le 12 avril 2003, Mario, 14 ans, rentre pour les vacances scolaires en Haute-Savoie. Il doit retrouver sa mère Graziella, son beau-père Xavier Flactif, ses demi-frères et demi-sœurs. À son arrivée, personne n’est là pour l’accueillir. La maison est vide, impeccablement rangée, et le frigo est plein. Inquiet, l'adolescent alerte la gendarmerie.
"Les gendarmes sur place, la brigade de recherche et le procureur de la République estiment qu'on est quand même face à un événement qui n'est pas normal. Ce n'est pas une simple disparition, c'est encore moins un simple week-end", explique le général François Daoust dans Les Voix du Crime. Lors de l'affaire, il est directeur adjoint de la gendarmerie scientifique et chef des opérations.
Les cinq membres de la famille Flactif sont inscrits au fichier des personnes disparues. Pendant une semaine, une équipe de scientifiques pluridisciplinaires de l’IRCGN, l'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale, prélèvent les moindres recoins du chalet. C’est la première fois qu’une coordination des opérations criminalistiques est mise en place dans l'histoire de la gendarmerie.
C'est de l'émail de dents de lait... Donc, ce sont les dents des enfants
Général François Daoust
Le Bluestar révèle de nombreuses traces de sang et d’infimes éclats blancs sont retrouvés. L'expert odontologue indique qu'il s'agit morceaux de dents. "Et il va plus loin en disant que c'est de l'émail de dents, mais de l'émail de dents de lait. Donc, ce sont les dents des enfants. Et là, le scénario devient de plus en plus macabre", se souvient le général François Daoust.
Deux jours plus tard, le véhicule de la famille est retrouvé sur le parking d’un aéroport proche. À l’intérieur, des traces de sang sont retrouvées, notamment dans le coffre où des corps ont probablement été transportés. Le 5 mai 2003, l’analyse des prélèvements confirme qu’il s’agit bien de l’ADN des cinq membres de la famille et indique la présence d’un sixième ADN, encore inconnu. "À ce moment-là, avec le véhicule, on sait que les cinq personnes qui ont disparu, on ne les reverra jamais vivantes", précise le général.
En parallèle, les gendarmes découvrent que la famille est peu appréciée du voisinage. Le père, Xavier Flactif, est un promoteur immobilier controversé et jalousé. Les discours à son encontre sont d’autant plus virulents chez le couple d’à côté, David et Alexandra Hotyat, qui s’avèrent être également les locataires du promoteur. Une centaine de prélèvements ADN sont effectués sur le voisinage et les proches de la famille Flactif. L’ADN retrouvé sur les scènes du crime correspond à celui de David Hotyat, qui devient alors le premier suspect de ce quintuple meurtre. Il est placé en garde à vue.
Pour se préparer à confronter le coupable et lui faire avouer son crime, les gendarmes collaborent avec le département des sciences du comportement. "Il faut avoir des arguments forts, indiciels, qui montrent qu'il n'y a pas d'échappatoire et qu'on ne peut pas nier l'évidence", décrit le général. Lors de l'interrogatoire, David Hotyat passe tout de suite aux aveux et confie même avoir brûlé les corps.
Ce ne sont pas des corps que l'on recherche, mais des éléments de corps
Général François Daoust
Hotyat mène ensuite les gendarmes sur les lieux de la crémation, dans la forêt de Thônes. La nature ayant repris ses droits, aucune trace n’est visible à l’œil nu. "Ce ne sont pas des corps que l'on recherche, mais des éléments de corps", explique François Daoust. Biologistes, odontologues et anthropologues sont alors mobilisés pour passer le terrain au crible.
Pendant longtemps, l'accusé principal livre plusieurs versions. Notamment une, dans laquelle il aurait été assommé par deux hommes alors qu'il rendait visite à la famille, pour s'expliquer sur les promesses immobilières non tenues de Xavier Flactif. À son réveil, l'ensemble des Flactif étaient morts, et les deux hommes l'auraient contraint à décimer les cinq corps. Une piste très vite écartée par l'ensemble des éléments scientifiques qui accablent David Hotyat.
Suffisamment de preuves sont récoltées pour matérialiser les crimes. Les traces laissées montrent que l'accusé a bel et bien tué Xavier Flactif puis éliminé tous les témoins. En revanche, celles-ci indiquent que l'individu n'a pas pu agir seul. Trois autres personnes dont sa femme, Alexandra, sont mises en examen et jugées lors du procès, qui va montrer que la jalousie semble être au centre du quintuple homicide…
Pour le général François Daoust, cette enquête et son expertise scientifique montrent "une évolution du traitement des scènes de crime". Au total, plus de 1.000 scellés ont été effectués par les experts dans cette affaire devenue un cas d’école. Cette histoire macabre marque aussi personnellement le général. "De l'émail qui montre que des enfants ont été tués avec acharnement, c'est difficilement supportable pour le jeune papa que j'étais à l'époque", confie t-il.
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