En février 1984, Claudine Cordani, 17 ans, est violée à la vue des passants aux bords du canal de l'Ourcq. Ses trois agresseurs l'emmènent ensuite dans un appartement au nord de Paris : elle y sera séquestrée, puis de nouveau violée. Après des heures interminables, l'adolescente parvient à s'enfuir. "Je sentais, ou j'étais déterminée, je ne sais pas, mais je savais que j'allais porter plainte", se remémore Claudine Cordani, qui deviendra la première mineure en France à avoir refusé le procès à huis-clos à ses violeurs, dans Les Voix du Crime.
En bas de l'immeuble de ses agresseurs, Claudine attend que les policiers viennent la chercher. "Quand ils arrivent, ils voient bien que j'ai été maltraitée (…) je dois avoir la tête d'une jeune fille de 17 ans et demi qui a été violée", souligne-t-elle.
L'adolescente est escortée jusqu'au commissariat le plus proche. La jeune femme n'a qu'une seule chose en tête : que les policiers prennent sa déposition. Ce qu'ils feront. "Heureusement qu'ils m'ont bien accueillie, sinon je peux vous dire que j'aurais fait un scandale si ça n'avait pas été le cas", poursuit Claudine.
Je suis pour l'imprescriptibilité des crimes de viol
Claudine Cordani
Et son courage ne s'arrête pas là : Claudine, alors mineure, refuse que le procès de ses violeurs se déroulent à huis-clos, c'est à dire qu'elle autorise la presse et le public à assister aux audiences et que l'affaire soit médiatisée. Une première en France.
Si elle estime avoir eu la chance, Claudine Cordani déplore le traitement des plaintes aujourd'hui. "Quand une victime vient trois ans après, est-ce qu'on lui dit 'Mais Madame, aujourd'hui vous avez l'air en forme, comment voulez-vous que je vous crois ?", avant de poursuivre : "C'est une question que je pose à la société, est ce qu'il faut attendre que les victimes viennent vers vous, ou aillent dans les commissariats en rampant, ensanglantée, avec du mascara qui a coulé ?"
Ça n'est pas suffisant, mais les choses avancent
Claudine Cordani
Aujourd'hui, elle se bat pour que toutes les victimes de viol soient entendues dans un temps indéfini. "Je suis pour l'imprescriptibilité des crimes de viol", revendique-t-elle. Aujourd'hui en France, une victime de viol mineure dispose d'un délai de trente ans depuis 2018 avec la loi Schiappa, (contre vingt pour les personnes majeures) pour déposer plainte contre son ou ses agresseurs.
"C'est toujours un premier pas, parce qu'avant c'était 20 ans, ça n'est pas suffisant, mais les choses avancent." Une fois passé ce délai, il n'est alors plus possible de poursuivre la ou les personnes en justice. "Ça veut dire qu'à 18 ans et deux jours, si vous êtes violée vous n'allez pas avoir le même laps de temps qu'une personne qui a été violée à 17 ans", s'offusque-t-elle. Après des années à se reconstruire, Claudine se consacre aujourd'hui pleinement à son métier de journaliste et continue de mener son combat pour les victimes de viol. "Que ce soit des hommes, des femmes, des enfants… On ne doit pas violer, c'est un crime."
>> Les Voix du crime sont avocats ou avocates, enquêteurs ou enquêtrices, proches de victimes, de suspects ou de coupables. Ces témoins-clefs se confient au micro des journalistes de RTL. Des témoignages inédits, qui apportent un éclairage nouveau sur la justice et les grandes affaires criminelles d’aujourd’hui.
Deux fois par mois, l'une de ces Voix du crime nous raconte son point de vue sur une affaire criminelle. Un podcast RTL.
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