Il y a 40 ans jour pour jour, la peine de mort était abolie en France. On y revient à travers une histoire d'amitié improbable entre Maurice Hincellin, alias Titisse, petit voyou devenu tueur, et son avocat Alain Fraitag, qui lui a sauvé la tête il y a près d'un demi-siècle. C'est Libération qui nous raconte leur histoire...
Entre 1968 et 1978, la peine de mort était requise en moyenne 15 fois par an. Pour Maurice Hincelin, c'était en 1972, aux assises de l'Aisne. Il a vécu le vertige décrit par Robert Badinter : "Qu’est-ce que la peine de mort ? Douze hommes et femmes, deux jours d’audience, l’impossibilité d’aller jusqu’au fond des choses et le droit, ou le devoir, terrible de décider de la vie ou de la mort d’un autre être."
Sa vie, à Titisse, elle avait plutôt mal débuté. Aux assises, un psychiatre l’a comparé à une "mayonnaise ratée" : les ingrédients étaient là, mais on n’avait pas su les faire "prendre". Un jour, tout dérape.
Dans un bar de Laon, le jeune homme est pris dans une bagarre, il sort son couteau. Bilan : un blessé et un mort. D'un coup, Titisse devient le fauve, la terreur de Laon... Aux assises, on lui refait le portrait : c’est "un voyou qui ne recule devant rien". Il a 28 ans. Son avocat n'a que 5 ans de plus.
Alain Fraitag n'a pas réussi à faire requalifier les faits en "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner", alors il redoute le pire. D'autant qu'une affaire de récidive défraie la chronique au même moment. L'avocat général en fait un exemple: "et si dans vingt ou vingt-cinq ans, Hincellin commettait un autre meurtre ? Quant à moi, j’aurais du remords si je ne réclamais pas la peine capitale."
Aujourd’hui encore, dans son bureau, Alain Fraitag frémit. "J'étais terrifié", dit-il, "c’était ma première affaire de cette envergure, j’avais sympathisé avec Maurice, je sentais toute l’importance de ce qui était ma mission." Il ne se souvient plus de sa plaidoirie, si ce n’est qu’elle a duré deux heures trente. Selon la presse de l'époque, il a terminé en larmes : "un être humain doit toujours être sauvé". Quand le verdict est tombé, Alain Fraitag est tombé aussi, et c’est Maurice qui l'a retenu : "Eh remets-toi, tu viens de me sauver la vie !". "Ces mots", dit l'avocat, "je ne les oublierai jamais. Jamais."
Titisse a pris perpèt'. En vrai, il a passé 15 ans derrière les barreaux, 15 années de correspondance ininterrompue. "Mon cher Alain", "mon petit Titisse". "Cela dit tout de l’affection qui les unit et du monde qui les sépare", écrit Libé. Ils partagent tout, leurs espoirs, leurs désillusions, leurs histoires de cœur. Alain Fraitag envoie des morceaux de liberté, cartes postales en couchers de soleil, photos de son chien.
Et puis le 26 mars 1987, il écrit : "Très officieusement, je peux te dire que tu seras libre fin avril. Signé : Ton ami (fou de joie)". Dans sa cellule, Maurice "pleure comme un môme". Á sa sortie, une fiancée l'attend. Ils se marient un mois plus tard, ils auront trois enfants. "Mais pendant nos 27 années de mariage, Maurice a toujours rêvé de la guillotine, soupire Claudine. Je l’ai vu si souvent se réveiller en nage."
Cette histoire n'est pas un conte de fées. Il n'y a pas de réinsertion heureuse mais une suite d'échecs, de portes fermées, encore et puis le cancer, et puis l'alcool. Maurice s'est suicidé en 2014 dans sa maison bretonne. Il avait 70 ans. Alain a gardé toutes les lettres, dans une boîte en carton marquée Titisse. Il avait commencé un livre sur son ami. Comme il prend sa retraite, il compte bien le terminer...
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