70 ans de règne. Monarque la plus célèbre de la planète, la reine Elizabeth II s'est éteinte jeudi 8 septembre à 96 ans dans sa résidence écossaise de Balmoral. La souveraine est décédée "paisiblement", a annoncé le Palais de Buckingham.
Elizabeth II n'aurait jamais dû être reine, elle ne figurait pas dans l'ordre direct de la succession. Première enfant du prince Albert d'York et de Elisabeth Bowes-Lyon, elle nait en pleine nuit le 21 avril 1926. C'est une naissance qui réjouit les chroniqueurs, car même si ce bébé n'est pas appelé à régner - son père Albert n'est effectivement pas destiné à monter sur le trône - la nouvelle met du baume au cœur d'une Angleterre plongée dans la tourmente.
Les sombres années 30 sont proches. Les ouvriers sont dans la rue, la noblesse est en état de banqueroute et l'Empire connaît ses premiers craquements. Elizabeth est surnommée toute son enfance "Lilibeth". Elle est heureuse, avec sa sœur cadette Margaret qu'elle adore, aussi fantaisiste qu'elle est sérieuse et ordonnée.
Passionnée d'équitation, elle se projette une fois dans son futur rôle en déclarant : "Si un jour je deviens reine, je ferai une loi qui interdira aux gens de monter le dimanche... Les chevaux ont le droit eux aussi, à prendre du repos".
Après
l'abdication de son oncle, c'est son père qui a été brutalement appelé à régner
sous le nom de George VI. Dans la succession au trône, elle se retrouve donc,
par hasard, en première ligne et la famille déménage au Palais de
Buckingham.
Elizabeth est horrifiée. "Déménager, mais pour toujours ?", demande t-elle alors. Quand une lettre arrive au palais à l'attention de "Sa Majesté la Reine", elle est angoissée et demande encore : "'Sa Majesté, c'est bien maman n'est ce pas ?'". À dix ans, elle prend conscience de son vertigineux destin et sait que cette enfance, dans laquelle elle se sentait si bien, lui échappe, pour toujours.
Du jour au lendemain, Elizabeth doit composer avec la célébrité. Elle est la princesse qui attire le plus de curiosité. Les journaux se passionnent pour ses moindres faits et gestes, racontent son apprentissage du latin et du français, mais son désintérêt pour l'allemand alors qu'Adolf Hitler commence à défier le monde. Les Londoniens s'agglutinent derrière les grilles de Buckingham pour tenter d'apercevoir l'héritière du trône.
Elizabeth
n'a beau être encore qu'une enfant, il n'y a plus rien d'insouciant chez elle. Elle
sait la trajectoire qui l'attend. Combien de fois a t-elle relu le conseil que
lui a écrit un jour sa mère : "Être bonne et attentive aux
autres, ne pas s'emporter et toujours tenir parole". Il n'empêche, elle
est angoissée. Comment parviendra t-elle à s'exprimer en public ? Elle qui
voit son père, le roi George VI, atteint d'un terrible bégaiement et souffrir le martyr pour prononcer le plus banal de ses discours ?
La rencontre avec le prince Philip sera un moment de grand bonheur pour la jeune princesse. Les
traditionalistes vont tenter de faire barrage à ce mariage, mais Elizabeth ne
les écoute pas et le 20 novembre 1947, elle dit oui à son prince dans l'abbaye de Westminster. Le pays
adopte Philip mais ne retient que le sourire lumineux de l'héritière du
trône. Sa mère lui écrira peu après : "Je vois que tu es
sublimement heureuse avec Philip, mais ne nous oublie pas".
Le couple de jeunes mariés s'amuse mais cette
vie en rose n'est qu'éphémère. Le 6 février 1952, en voyage officiel au
Kenya, Elizabeth va pour la première fois cacher ses larmes. À des
milliers de kilomètres de Londres, elle apprend que son père, le roi George VI,
est mort. Des milliers de Kenyans, silencieux, lui feront une haie d'honneur
jusqu'à l'aéroport de Nairobi.
Elle a 26 ans et va être reine. Ce destin là
était depuis longtemps prévisible, Inéluctable, et pourtant, Elizabeth ne
peut masquer sa pâleur à l'idée de porter bientôt la couronne de Saint-Edward,
plus de deux kilos d'or et de pierres précieuses.
Le 2
juin 1953, à l'abbaye de Westminster, le Royaume célèbre sa nouvelle
souveraine. La cérémonie du sacre est retransmise à la télévision, c'est une
première. Ainsi entre
Elizabeth II dans les livres d'histoire. Elle ne figurait pas dans l'ordre direct de la succession et
elle a fini par devenir l’une des
souveraines les plus respectées de l’Histoire.