Il s'agit du bagne des légionnaires, où, il y a moins de 50 ans l'on pratiquait les travaux forcés mais aussi la torture. Ce bagne se trouvait en Haute-Corse. Entre 1969 et 1976, 400 hommes y ont été internés et suppliciés. Un ancien détenu se bat aujourd’hui pour briser la loi du silence. C’est Le Monde qui raconte cette histoire.
Cet ancien légionnaire s’appelle Michel Trouvain. Il est en grève de la faim depuis un mois maintenant, sur les lieux du crime si on peut dire. Le domaine Saint-Jean, à Corte. C’est là qu’était implantée la Section d'Épreuve de la Légion Étrangère, un endroit où on matait les fortes têtes, les déserteurs, on les appelait les "disciplinaires".
Ils étaient généralement une petite trentaine pour vingt encadrants. Légalement, ils devaient "réaliser des travaux militaires et d’intérêt public" et subir des "punitions réglementaires". Mais les témoignages d'une dizaine d'anciens concordent : ils ont vécu l’enfer. "D’abord, raconte Michel, le légionnaire devait ramper sur deux kilomètres avec son barda, sous les coups et insultes, c’était ce qu’on appelait le chemin de croix".
Bastonnade à l’arrivée dans le bâtiment de commandement, puis huit jours environ dans un cachot humide avec une seule ouverture, une trappe minuscule, parfois avec des chaînes aux pieds et un boulet. Il y avait une variante hivernale appelée le "frigidaire": une nuit, nu dans une cellule, vasistas grand ouvert, et le garde-chiourme qui verse de l’eau sous la porte pour qu’elle gèle.
Les travaux forcés, c'était douze heures l’hiver et seize l’été, quasi non-stop. Des journées entières à briser la roche avec la "Johnny", une masse métallique de 16 kg. Petite subtilité : le manche était abrasif, on s'y écorchait les mains qui finissaient en sang. Les disciplinaires devaient donner 800 coups par heure, en les comptant à voix haute, 10.000 coups en une journée. À cela il faut ajouter des corvées absurdes comme la "pelote".
C'est une course où les hommes portent des poids dans un sac à dos mais les bretelles du sac sont en fil de fer. Parfois, ils devaient aussi déplacer la "colline des hommes perdus, un tas de terre de cinq à dix mètres de hauteur. Ou remplir un seau à la petite cuiller, sans plier les genoux."
Michel Trouvain a tenté de s'évader, deux fois. Deux évasions ratées et à chaque fois des mesures de rétorsion inhumaines : privation de parole, d’eau, de nourriture, de sommeil. À mots couverts, il évoque également des viols de la part d’un caporal-chef. Certains ont quitté le domaine en civière, comme Régis, tombé dans le coma pendant dix-sept jours après avoir été tabassé.
D’autres encore sont partis entre quatre planches, comme Bruno, qui se serait suicidé en avalant un bout de fer rouillé dans sa cellule. Daniel Pottier est le seul à avoir réussi à "tailler la route". Il se souvient d’un puni qui s'était écroulé sous le poids d’une poutre qu’il transportait en chantant la Marseillaise. "Les gardes lui ont fait sauter la boîte crânienne à coups de pieds".
Un jour, à cause d'une enquête criminelle, la section d’épreuve a été perquisitionnée. Un charnier d’une "dizaine de squelettes blanchis à la chaux a été mis au jour." Quelques semaines plus tard, le site était fermé. Aujourd'hui la petite communauté des punis de Saint-Jean s’est regroupée pour chercher la vérité. Ils ne souhaitent pas "salir la Légion", dit Daniel Pottier, mais seulement "les salopards". Un officier a fini par le reconnaître : "Il fallait parfois surveiller plus les cadres que les détenus". Combien de morts ? Combien de suppliciés ? L’armée garde ses secrets. Ni la Légion étrangère ni le ministère des armées n’ont répondu au Monde.
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