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"Je descendais, et il y avait une autre fille qui attendait de monter" : une victime de Jeffrey Epstein raconte son calvaire sous la coupe du trafiquant sexuel

PODCAST - De ses 14 à 17 ans, Marina Lacerda a été agressée sexuellement et violée par l'homme d'affaires poursuivi pour trafic sexuel et décédé en prison en 2019. L'Américaine d'origine brésilienne témoigne pour la première fois en France dans le podcast RTL "Le fantôme de Jeffrey Epstein".

Marina Lacerda, victime de Jeffrey Epstein.

Crédit : CHIP SOMODEVILLA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

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"Un vieux riche qui aime se faire masser par des jeunes fille". Quand Marina Lacerda entend pour la première fois le nom de Jeffrey Epstein en 2002, elle a 14 ans. L'adolescente brésilienne vit en situation irrégulière à New York avec sa mère. Son beau-père est en prison, condamné pour l'avoir agressée sexuellement. 

Forcée de travailler pour subvenir aux besoins de sa famille, elle cherche n'importe quel emploi pour survivre. C'est une de ses voisines qui lui parle du multi-millionnaire. Très vite, Marina accepte la proposition. "Je me suis dit, 'ça n'a pas l'air si horrible que ça'. Donc elle m'a amenée chez Epstein et il ne s'est clairement pas passé ce qu'elle m'avait décrit", témoigne-t-elle dans le podcast Le Fantôme de Jeffrey Epstein.

L'homme d'affaires sera plus tard poursuivi pour trafic sexuel de jeunes filles, souvent mineures : il utilisait le prétexte de "massages" pour agresser sexuellement et les violer. En 2019, il est arrêté et se suicidera en prison un mois après son incarcération, en août. Marina est citée dans l'enquête comme "victime mineure numéro 1". C'est la première fois qu'elle témoigne en France. 

On a qu'une vie, pourquoi je devrais me cacher ? Ça m'est arrivé, c'est mon histoire

Marina Lacerda

C'est la mort d'une autre victime, Virginia Roberts Giuffre, en avril 2025 qui a décidé Marina Lacerda à prendre la parole. "Au début, je ne voulais pas, j'avais un peu peur et j'avais honte, explique-t-elle. Et ensuite, je me suis dit : 'On a qu'une vie, pourquoi je devrais me cacher ? Ça m'est arrivé, c'est mon histoire.'"

Pendant trois ans, Marina Lacerda raconte s'être régulièrement rendue au domicile de Jeffrey Epstein, un hôtel particulier de Manhattan. "On appelait son bureau et on prenait rendez-vous (...) Bien sûr, j'ai remarqué une fois que j'ai commencé à y aller seule qu'il y avait toujours une fille qui descendait et moi, je montais dans l'ascenseur. Il arrivait ce qu'il devait arriver, puis je descendais, et il y avait une autre fille qui attendait de monter."

Après chaque rendez-vous, Jeffrey Epstein lui tend une liasse de billets de plusieurs centaines de dollars. Puis, il lui a demandé de recruter elle-même des adolescentes. "Ce n'était pas une option avec Jeffrey Epstein. Une fois que vous entrez dans son monde, vous n'en sortez pas", explique Marina Lacerda.

Pourtant, il y a un moyen de s'échapper : vieillir. À ses dix-sept ans, Jeffrey Epstein lui fait comprendre lors d'une discussion qu'elle devient trop âgée pour lui. "Il m'a revue quelques fois après ça, j'essayais de m'habiller de façon plus jeune, de ne pas mettre de maquillage. Et avec le temps, il s'est éloigné, il ne m'a plus appelée."

Je sais qu'il parlait avec des gens très importants au téléphone

Marina Lacerda

Dans ses mémoires posthumes publiés en octobre 2025, Virginia Roberts Giuffre accuse Jeffrey Epstein de l'avoir "offerte" à d'autres hommes. Parmi eux : Andrew, membre de la famille royale britannique déchu de ses titres, qu'elle accuse de l'avoir violée. Lui a tout nié lors d'une interview en 2023 sur la BBC, mais les témoignages convergent au sujet d'orgie organisées notamment sur l'île privée de l'homme d'affaires, dont les images ont été récemment publiées.

"Jeffrey Epstein ne m'a jamais partagé avec d'autres hommes, témoigne pour sa part Marina Lacerda. Je sais qu'il parlait avec des gens très importants au téléphone, mais il ne disait jamais 'je me fais masser par une fille mineure'. Il disait juste 'je me fais masser par une jolie jeune fille'. Il disait ça à des hommes importants, des hommes de l'élite."

L'ex-patron de Microsoft Bill Gates, l'acteur Kevin Spacey, l'ex-président américain Bill Clinton et même Donald Trump qui a signé en novembre une loi pour déclassifier l'entièreté du "dossier Epstein"... De nombreux hommes ont dû se justifier de leur relation avec Jeffrey Epstein. Tous nient avoir été au courant de ses crimes.

Certains de ces noms ne sont pas publics et ce serait dangereux pour nous toutes de les citer

Marina Lacerda

En 2008, lors d'une première enquête visant Jeffrey Epstein, Marina Lacerda est contactée par le FBI. Elle n'a plus de liens avec lui, mais l'appelle pour comprendre ce qui se passe. Il la met lui-même en contact avec un avocat. "J'ai découvert que j'étais convoquée pour témoigner, mais je n'ai jamais eu à y aller, confie-t-elle aujourd'hui. Ils m'ont juste dit que tout avait été réglé, de ne pas m'inquiéter et de continuer ma vie. Donc j'ai continué ma vie."

Jeffrey Epstein a en fait bénéficié d'un "deal" offert par le procureur de Floride, état dans lequel il est poursuivi : plaider coupable pour un délit mineur - sollicitation de prostitution - en échange d'une peine de 13 mois de prison et d'une inscription au fichier des délinquants sexuels. À sa sortie, il continue pourtant son trafic jusqu'à son arrestation et sa mort.

Aujourd'hui, Marina Lacerda s'est rapprochée d'un collectif de victimes qui a pris la parole devant le Capitole en septembre pour exiger la déclassification du "dossier Epstein". Elle cite plusieurs personnes accusés d'avoir participé au trafic de Jeffrey Epstein. "On a des victimes qui ont côtoyé Donald Trump, le Prince Andrew, et d'autres noms d'hommes importants (...) Certains de ces noms ne sont pas publics et ce serait dangereux pour nous toutes de les citer."

Elle attend beaucoup de la loi signée par Donald Trump. Comme beaucoup d'Américains, elle le suspecte de cacher "une liste de clients" du trafic sexuel organisé par l'homme d'affaires décédé, dont l'existence n'a jamais été prouvée. Le nombre de victimes, quant à lui, reste méconnu.

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