En Irlande, une grand-mère a déterré à elle seule un énorme scandale : la mort de 9.000 enfants dans les "maisons pour mères et bébés", entre 1922 et 1998. La ténacité de Catherine Corless a forcé l'État et l'Église à reconnaître leurs responsabilités.
C’est M, le magazine du Monde qui a voulu en savoir plus sur elle et est parti à sa rencontre, dans le comté de Galway, dans l'ouest de l'Irlande. Catherine, 66 ans, vit dans sa ferme de Tuam, c'est une gentille mamie un peu sérieuse. Elle a toujours vécu ici et quand elle était enfant, comme tous les gamins du coin, elle connaissait le "home". Une bâtisse sinistre, entourée de murs gris. C'était une “maison pour mères et bébés” tenue par les sœurs du Bon Secours depuis les années 20, et qui a fermé en 1961.
Catherine Corless se rappelle bien des enfants du home : "Ils étaient très calmes, peureux et misérables", dit-elle. A l'école, ils étaient placés au fond de la classe et on ne leur adressait pas la parole. Un souvenir la poursuit particulièrement : un jour, pour faire une blague qu'elle avait vu faire avant, elle a tendu à une petite fille un vieux papier de bonbon vide. “Sur le moment, j’ai trouvé ça drôle. Mais, avec les années, j’ai compris l’impact de ce geste pour ces enfants qui n’avaient jamais de douceurs, même pas à Noël. Cela m’a hantée”, a-t-elle raconté à la BBC.
Catherine est secrétaire dans une usine textile, puis elle s'arrête de travailler pour élever ses quatre enfants. Un jour, au début des années 2010, elle fait une découverte qui l'intrigue : un petit sanctuaire, avec quelques fleurs et un ours en peluche, aménagé sur le site du home. Elle est passionnée d'histoire et de généalogie, elle a même suivi des cours du soir. Elle apprend qu’en 1975, en déplaçant une plaque de béton, deux garçons qui jouaient là ont découvert des petits squelettes au fond d’un trou. La rumeur prétend qu'il s'agit de gamins morts de la Grande Famine, au XIXe siècle.
Mais l'historienne a un doute, alors elle commence à mener l'enquête. Au siège des sœurs du Bon Secours à Cork, on lui répond que les registres du home de Tuam n'existent plus. Au conseil du comté, à Galway, chou blanc : on lui refuse l’accès aux documents sous prétexte qu’elle n’a pas de diplôme universitaire. "Personne ne voulait savoir, dit-elle, j’étais en colère, c’est ce qui m’a motivée."
Notre Miss Marple irlandaise ne se décourage pas, elle obtient les plans du cadastre, elle consulte des cartes anciennes. L'état civil de Galway finit par lui répondre : oui, il existe des certificats de décès d’enfants du home. Pour les obtenir, il faut payer, 4 euros par certificat. Et Catherine paye, au fil des mois, pendant deux ans. Il y en a 796 au total. Des nouveaux-nés et des enfants, morts de pneumonie, de "négligence", de "malnutrition"... Ils n'ont jamais plus de 9 ans.
Catherine vérifie dans les cimetières du comté : aucune trace de sépultures. Elle en est convaincue : les restes humains retrouvés près du home, ce sont ces enfants-là. En 2014, ses découvertes font enfin la Une de l’Irish Mail on Sunday. Le gouvernement irlandais est au pied du mur, il lance une enquête et ordonne des fouilles, qui donnent raison à Mrs Corless.
Catherine n'en veut pas aux gens du coin, qui n'ont jamais parlé, mais plutôt à l'Église. "C’est elle qui a dit que le sexe hors mariage était un péché, qui blâmait toujours les femmes, jamais les hommes, qui a martelé ça dans la tête des gens." On découvre alors que c'est un secret de famille qui l'a poussée dans ses recherches. Après la mort de sa mère, elle a découvert qu'elle était une enfant illégitime, née hors mariage.
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