"Je n'ai jamais rencontré le cas d'une armée aussi humiliée que celle de Poutine en Ukraine". Le diagnostic sur RTL du général Michel Yakovleff, ancien vice-chef d’État-major de l'OTAN est sévère. L'armée russe "a été trompée par ses chefs jetés dans la fournaise d'un peuple en furie. Elle est aujourd'hui soumise aux sarcasmes de toute sa nation. Elle meurt d'humiliation, encore plus que sous les coups des Ukrainiens". Avec des troupes russes "humiliées" par la contre-offensive ukrainienne, le pouvoir de Vladimir Poutine, dont le régime repose en grande partie sur l'armée, se trouve-t-il fragilisé ?
Invité de Focus, voici ce qu'en disait début juin Bruno Tertrais, le directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique. "L'armée, c'est un des piliers du pouvoir", rappelait-il. "Mais au delà, c'est l'ensemble des forces de sécurité, services de renseignement, police, etc qui sont qui sont les principaux piliers du régime". "Si l'armée considérait qu'elle est mal commandée et qu'elle est humiliée, on pourrait effectivement avoir des signes de révolte dans certaines certaines parties du pays", estimait-il.
"La grogne commence à arriver très clairement. Mais on imagine mal l'armée seule, de manière autonome, tenter de renverser le pouvoir de M. Poutine, à supposer même qu'elle en ait la capacité. "Ça n'est guère dans la tradition russe". En revanche, "plutôt qu'un coup d'État militaire assez peu probable, aujourd'hui, on pourrait plutôt assister à une érosion d'une partie de ce système de sécurité qui est, lui, le fondement du régime de Vladimir Poutine".
Même si un putsch semble à ce stade écarté, des dissensions commenceraient pourtant à apparaitre au sein même du Kremlin. Le Washington Post rapporte ainsi début octobre, qu'un membre de l'entourage proche du dirigeant russe l'aurait confronté au sujet des erreurs commises, et de la déroute subit en Ukraine.
Et du côté de la population, Moscou semble avoir de plus en plus de mal à justifier les combats, comme à motiver ses troupes. Preuve en est cette vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, où des soldats russes sur le point de partir sur le front se plaignent de leurs conditions : "On est environ 500 ici, on n'avait pas d'affectation, alors on a passé deux nuits dehors", dit l'un deux. "Nous sommes obligés d'acheter notre propre nourriture absolue eau de Moscou et les officiers nous traiter comme du bétail. (...) Il y a des pneumonies. Regardez le thermomètre, on a de la fièvre".
Les langues se délient donc. Certains Russes n'hésitent plus à contester le bien-fondé de l'opération spéciale en Ukraine. Pour Bruno Tertrais, une forme de protestation gagne bel et bien la population. "Pour la première fois, le pouvoir de M. Poutine est ébranlé par cette contestation", analyse directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique.
"Le fait que M. Poutine aujourd'hui, se trouve d'une certaine manière débordé sur sa droite, à savoir que la contestation vienne des milieux les plus nationalistes, (...), ça c'est quelque chose d'important, estime-t-il. "Cette contestation par la droite, (...) c'est peut-être ce qu'il y a de plus dangereux pour le pouvoir de M. Poutine, non pas forcément pour le système lui même, mais pour son pouvoir personnel".
Son pouvoir personnel contesté, le maître du Kremlin pourrait-il être pour autant être renversé, voire pire... éliminer ? Fin mai, l'hebdomadaire américain Newsweek assurait que le dirigeant russe aurait échappé à une tentative d'assassinat, dans la région du Caucase peu après le début de la guerre.