Moscou persiste dans ses accusations. La Russie a de nouveau accusé l'Ukraine de fabriquer une "bombe sale" lundi 24 octobre. Des allégations déjà portées par le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, auprès de ses homologues américain, français, britannique et turc la veille, mais rapidement balayées par Kiev, les Occidentaux et l'Otan. Tous trois craignent "un prétexte" russe pour une "escalade".
C'est le général Igor Kirillov - le chargé, au sein de l'armée russe, des substances radioactives, des produits chimiques et biologiques - qui a réitéré ces accusations, affirmant que la fabrication d'une "bombe sale" par les Ukrainiens qui accuseraient ensuite la Russie de l'avoir utilisée était "entrée dans sa phase finale". À noter qu'une bombe radiologique ou "bombe sale" est constituée d'explosifs conventionnels entourés de matériaux radioactifs destinés à être disséminés lors de l'explosion.
Le chef de l'état-major de l'armée russe, Valéri Guerassimov, s'est également entretenu lundi avec ses homologues américain, le général Mark Milley et britannique, l'amiral Tony Radakin, au sujet de la "bombe sale", selon le ministère russe de la Défense. Le ministère britannique de la Défense a indiqué que Tony Radakin "a rejeté les allégations de la Russie".
Ces accusations avaient été immédiatement démenties par les responsables ukrainiens, le chef de la diplomatie Dmytro Kouleba dénonçant des propos "absurdes" et "dangereux". Le président ukrainien Volodymr Zelensky a encore raillé lundi soir, lors de son allocution quotidienne, les "diverses idioties sur l'Ukraine" proférées par Moscou. "L'Ukraine est en train de briser la soi-disant deuxième armée au monde et désormais la Russie ne fera plus que supplier", a-t-il lancé.
Dmytro Kouleba a demandé à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), "d'envoyer d'urgence des experts" dans les deux structures où la Russie "prétend trompeusement" que l'Ukraine développe une "bombe sale". Le chef de l'AIEA, Rafael Grossi, a confirmé une visite "dans les prochains jours" dans un communiqué lundi soir, précisant que l'un des deux lieux avait été inspecté "il y a un mois" et qu'"aucune activité nucléaire non déclarée n'y avait été trouvée".
Le chef de la diplomatie de l'Union Européenne, Josep Borrell, a tweeté avoir discuté avec Dmytro Kouleba des "fausses accusations de la Russie" et se "réjouir de la décision de l'Ukraine de demander une mission d'experts".
Paris, Londres et Washington ont fustigé ensemble lundi des déclarations "fausses" de Moscou. "Personne ne serait dupe d'une tentative d'utiliser cette allégation comme prétexte à une escalade", ont-ils souligné dans une déclaration commune.
Le patron de l'Otan, Jens Stoltenberg, a dit la même chose dans la soirée sur Twitter après s'être entretenu avec le chef du Pentagone, Lloyd Austin et le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace : "Les Alliés de l'Otan rejettent cette allégation. La Russie ne doit pas utiliser cela comme un prétexte à une escalade" du conflit en Ukraine.
Les Ukrainiens et les Occidentaux y voient la menace des préparatifs d'une attaque menée sous un faux drapeau, suspectant la Russie d'être prête à faire exploser elle-même une "bombe sale" pour justifier une escalade militaire, par exemple en employant une arme nucléaire tactique en représailles. "Il y a un schéma récurrent dans ce conflit (...) Les Russes ont accusé les Ukrainiens et d'autres pays de ce qu'ils planifiaient eux-mêmes. C'est ce qui nous inquiète", a ainsi réagi le porte-parole du département d'État américain, Ned Price. Néanmoins, "nous n'avons vu aucune raison de changer notre posture nucléaire" et "aucune indication que les Russes préparaient le déploiement d'une arme nucléaire", a-t-il précisé.
Au début de son offensive, Moscou avait déjà accusé l'Ukraine de préparer des armes bactériologiques dans des laboratoires secrets financés par les États-Unis, des allégations qui avaient aussi été démenties par Kiev.
Les allégations de "bombe sale" interviennent alors que les forces russes sont en difficulté sur plusieurs fronts en Ukraine, ayant perdu des milliers de kilomètres carrés en septembre dans le nord-est et désormais en recul dans la région de Kherson, dans le sud, où les autorités d'occupation russe organisent des évacuations de la population face aux avancées de Kiev.
Le commandement ukrainien a annoncé lundi avoir repris 90 localités au total aux forces russes dans la région de Kherson, l'un des quatre territoires d'Ukraine dont Moscou a revendiqué l'annexion en septembre, et quatre villages dans l'est du pays, dans les régions de Donetsk et Lougansk.
Moscou a mené ces dernières semaines plusieurs séries de frappes massives, notamment avec des drones-suicides de fabrication iranienne, contre des infrastructures critiques ukrainiennes. Les bombardements russes ont provoqué dimanche de nouvelles coupures d'électricité à travers l'Ukraine, poussant les autorités à introduire des restrictions et à appeler les Ukrainiens au rationnement.
La Russie dénonce de son côté une "augmentation considérable" des tirs ukrainiens visant ses régions frontalières, notamment celles de Belgorod et Koursk où des lignes de défense sont en train d'être construites en cas d'attaque.
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