ÉDITO - Successeur du Rafale : avec le projet Scaf, "les Allemands voient l'occasion de reprendre le leadership", affirme François Lenglet

L’Europe de la défense va-t-elle exploser ? C’est la question qui se pose aujourd’hui alors que l’un de ses projets phares est menacé. Ce projet phare, c’est le SCAF, le système de combat aérien du futur. Il est présenté comme le successeur du Rafale, l’avion de combat qui devrait être utilisé par l’armée française lorsque le célèbre avion de Dassault aura pris sa retraite.

Emmanuel Macron et Angela Merkel qui avaient lancé le projet, en 2017, dans un élan de fraternité européenne. Mais les bons sentiments ne font pas un bon business. En effet, l’avionneur français Dassault avait été nommé maître d’œuvre du projet parce que c’est la seule société qui a le savoir-faire. En contrepartie, l’Allemagne avait obtenu le pilotage de l’autre programme, le char du futur. Le problème, c’est que même en étant maître d’œuvre, Dassault n’a pas le contrôle des décisions. Les Allemands et les Espagnols d’Airbus possédant 66% du projet. Et ça bloque.

Les Allemands prêts à quitter le projet

Il y a l'impossibilité pour Dassault de choisir les sous-traitants comme il l’entend. Il y a également l'incompétence technique des Allemands, qui n’ont pas fait d’avion militaire depuis 75 ans, alors qu’un avion témoin, ce qu’on appelle un démonstrateur, doit être construit dès l’année prochaine. Les études sur le train d’atterrissage, par exemple, ont dû être récupérées in extremis par Dassault, parce que les Allemands ne savaient tout simplement pas faire. 
 
L’inimitié est telle que les Allemands ont fait savoir la semaine dernière qu’ils seraient prêts à quitter le projet, pour s’associer à des initiatives concurrentes en Europe. Mardi, c’est le patron de Dassault qui avertissait que les Français étaient prêts à construire seuls l’avion du futur. C’est d’ailleurs ce qu’ils avaient fait pour le Rafale, intégralement français.

La France plus affaiblie que jamais

Dassault fait de la maîtrise totale du projet une condition irrévocable pour poursuivre le projet commun. Si l’on en croit une dépêche de mercredi soir, le peu de gouvernement que nous avons est prêt à les appuyer, on est donc pas loin du clash total.
 
Les Allemands voient aujourd’hui l’occasion de tenter de reprendre le leadership dans la seule industrie qui leur a échappé en Europe : le militaire, parce qu’elle leur était interdite à cause de la guerre. C’est l’une des seules industries classiques qui a survécu en France, protégée des règles européennes, et ayant su préserver le dialogue avec la puissance étatique cliente.

L’occasion est là pour l'Allemagne parce que Berlin va faire grimper considérablement son budget militaire, grâce aux emprunts décidés par le nouveau chancelier, et parce que la France est plus affaiblie que jamais, n’ayant plus ni gouvernement stable, ni moyens budgétaires.