ÉDITO - Arctique : "La course pour exploiter les derniers endroits inviolés de la planète fait rage", dit Lenglet

On enregistre une activité frénétique au pôle Nord, devenu le lieu de la confrontation entre les grandes puissances, alors que jusqu'ici, depuis des décennies, même plus d'un siècle, il était réservé aux scientifiques, on y faisait des observations climatiques, météorologiques.

Parmi les frontaliers de l'Arctique se trouvent les États-Unis avec l'Alaska, le plus grand État géographique du pays, le Canada avec une surface deux fois et demie supérieure à celle de l'Alaska, la Russie et l'Europe avec la Suède et la Finlande. Figurez-vous qu'on trouve même des navires chinois en Arctique.

La Terre se rétrécit. La course pour coloniser et exploiter les derniers endroits inviolés de la planète fait rage et la tension monte entre les grands blocs. Là encore, on retrouve l'Occident face à la Russie et la Chine coalisées. 

Sécuriser les routes commerciales

En plus, la fonte des glaces a libéré de considérables espaces pour la navigation et ce n'est que le début, on estime qu'en 2030, l'été pourrait voir des routes complètement déglacées.

Tout le monde cherche donc à sécuriser les routes commerciales pour demain qui permettraient d'économiser de nombreux jours de navigation entre l'Europe et l'Asie pour l'activité militaire, l'observation scientifique, la cartographie des ressources minières sous-marines et aussi l'accès à des champs d'hydrocarbures, gaz et pétrole nouveaux. 

Pour le Canada, il y a un enjeu supplémentaire, c'est le fait que Trump veut l'annexer. Il veut en faire le 51ᵉ État, donc il veut se défendre. Aujourd'hui, l'Arctique est presque aussi fréquenté que le hall de la gare Saint-Lazare. Le problème, ce sont les bateaux. On manque de bateaux.

La course à la construction de brise-glaces

On avait complètement abandonné la construction de ces brises glaces pendant la période de détente. Et ce sont des navires considérables, 10.000 tonnes d'acier, 140 mètres de long. Aujourd'hui, dans la flotte existante, c'est la Russie qui domine largement avec 47 brises glaces, dont 8 à propulsion nucléaire qui permettent d'aller beaucoup plus loin. Il y en a 19 au Canada, 8 en Finlande, 6 en Chine et seulement 3 aux États-Unis.

Or, c'est le matériel critique dans cette guerre, parce qu'il faut des bateaux qui puissent casser 3 mètres de glace en profondeur, et même 4 pour les Russes. Donald Trump vient de décider d'en construire 48, le Canada une douzaine, la Russie en a 15 en chantier, la Chine aussi met les bouchées doubles, avec la série qu'elle appelle les "dragons des neiges". Mais un brise-glace c'est jusqu'à 2 milliards d'euros de pièces pour les plus évolués. Dans la dernière loi de Trump, il a débloqué près de 9 milliards cette année dans cet objectif. 

L'autre difficulté, c'est qu'on n'a pas les capacités de production. Elles sont massivement en Russie et en Chine. C'est un savoir-faire complètement oublié chez nous. La bataille de l'Arctique va se jouer en grande partie sur cette question industrielle parce que la construction navale à grande échelle, c'est l'un des nombreux secteurs industriels européens que l'Occident a abandonné par négligence. On imaginait qu'on pourrait se fournir sans difficulté et maintenant que les temps se remontent, nous ne sommes plus outillés.

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