ÉDITO - Pourquoi l'État français rachète Alcatel Submarine Networks, géant des câbles sous-marins

On a appris ce vendredi 3 janvier que l’État français allait racheter l’un des leaders mondiaux de la fabrication et de la pose de ces gigantesques câbles de télécommunications. Il s’agit d’Alcatel Submarine Networks, naguère Français, qui avait été cédé au Finlandais Nokia avec tout le groupe Alcatel, lorsque celui-ci était en faillite. L’entreprise emploie près de 2.000 personnes, et réalise un peu plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires. 
 
Mais que vient faire l’État français dans ce secteur ? Les câbles, c’est devenu stratégique. Ce sont de gigantesques tuyaux qui tapissent le fond des mers pour faire transiter nos communications. Il y en a pour 1,4 million de kilomètres, ça fait 35 fois le tour de la terre. 95% du trafic Internet y passe. Et la France est un nœud important dans les communications entre l’Europe et les autres continents. Dans un monde en paix, ça ne sont que des tuyaux ensevelis sous les algues, parfois à plusieurs milliers de mètres de profondeur, qu’il faut parfois réparer lorsqu’ils connaissent des avaries. Dans un monde en guerre comme aujourd’hui, c’est un actif stratégique qu’il faut protéger. 

Depuis plusieurs mois, ces câbles sont victimes d’attaques régulières de la part de la Chine et de la Russie. C'est toujours le même mode opératoire : des cargos civils laissent traîner leur ancre au fond sur des kilomètres, jusqu’à ce qu’ils attrapent le câble et l’endommagent. Ce sont des actions des services secrets. C’est arrivé plusieurs fois dans la mer Baltique, on en avait parlé ici même. Ce week-end, encore, dans la mer de Chine, avec un câble appartenant à Taïwan, qui a été délibérément sectionné par un bateau chinois. C’est arrivé aussi en Mer Rouge, au moment des attaques des milices Houthis, pilotées par l’Iran.
 
La rupture de ces câbles a plusieurs conséquences. Il y a d'abord la perturbation de ces artères vitales que sont les communications internationales. Le trafic est rerouté à chaque fois, mais plusieurs pannes simultanées pourraient être vraiment problématiques. Car les satellites n’ont pas du tout le même débit. L’Otan, l’organisation militaire, a annoncé ce week-end qu’elle allait désormais prévoir des patrouilles de surveillance spécifique.
 
Le fait d’avoir racheté cette entreprise protège un peu la France. En partie, car c’est l’une des trois au monde qui possède l’expertise non seulement pour fabriquer ces câbles, mais pour leur maintenance. L’entreprise possède plusieurs navires câbliers, qui peuvent intervenir pour poser et réparer le matériel. C’est Bruno Le Maire qui avait initié ce rachat quand il était à Bercy. Il s’agissait de réparer l’imprudence de l’un de ses prédécesseurs, qui avait laissé filer cette pépite en 2015. Prédécesseur qui s’appelait… Emmanuel Macron.