ÉDITO - "Le pétrole et le gaz retrouvent, sur le plan financier, un éclat qu'ils avaient perdu", note François Lenglet

Il y a quinze jours, le patron de BP annonçait des résultats éblouissants, comme tous ses concurrents, et annonçait qu'il allait réduire son programme de diminution des émissiosn. Auparavant, BP envisageait de réduire de 40 % à l'horizon 2030, ça sera désormais 25 %. Et si même les investissements dans les énergies propres augmentent, ceux qui sont effectués dans la production d'hydrocarbures (pétrole et gaz) vont repartir à la hausse. Dans la foulée, le cours de l'action BP prenait 10 %. Un bond qui fait réfléchir et saliver les directions d'autres grandes majors.

Cette inflexion a été motivée par les profits réalisés l'an dernier, près de 30 milliards de dollars, les plus importants faits par l'entreprise. Derrière ces profits, il y a le retour en grâce de l'or noir et des hydrocarbures. Un retour en grâce auprès des actionnaires en particulier, mais également auprès des gouvernements et des consommateurs, parce qu'on a mesuré leur caractère stratégique devant la menace de plus être approvisionné et de subir des prix déments.

BP prend acte de ce retournement avec un changement de pied d'autant plus marquant que c'est cette compagnie qui avait la première décidée d'étendre son activité au-delà du pétrole il y a 20 ans, et repeint en vert toutes ses pompes.

Similaire chez les autres pétroliers

Les Américains Exxon et Chevron n'ont guère d'état d'âme, ils parient à fond sur le pétrole. Leur contrainte, ce sont les activistes écologistes, qui sont quand même parvenus l'année dernière à faire voter en assemblée générale des résolutions anti-carbone, très contraignantes. Mais le nouveau contexte ne va-t-il pas changer le vote des actionnaires cette année, alors que la rentabilité des renouvelables n'est pas aussi élevée que celle du pétrole.

Quant aux autres Européens, c'est Shell qui semble aussi mollissant sur la décarbonisation, malgré une décision de justice néerlandaise qui théoriquement les contraint.

Selon le Financial Times, ils pourraient renoncer à 1 à 2 % par an de leurs émissions et l'organigramme de l'entreprise s'est allégé du côté des énergies renouvelables. Eux aussi prennent acte de ce nouveau contexte, eux aussi voudraient séduire leurs actionnaires américains, déterminants pour la vigueur de leur cour de bourse. Des actionnaires qui aiment l'or noir et l'or tout court. Quant à TotalEnergies, on ne le sait pas, mais elle a plus d'actionnaires américains que français. Le premier d'entre eux est le fonds de pension BlackRock. L'entreprise maintient son cap multi-énergie, mais sans baisser la garde sur la production d'hydrocarbures.

La guerre en Ukraine a pointé notre vulnérabilité en matière d'énergie en faisant grimper les prix. On imaginait dans un premier temps que ça allait accélérer la décarbonation. Mais les conséquences de court terme sont inverses. Il n'y a jamais eu autant d'investissements sur le charbon dans le monde. Le pétrole et le gaz retrouvent, sur le plan financier, un éclat qu'ils avaient perdu.