ÉDITO - "Le pass Culture c'est de l'argent jeté dans la rivière", estime François Lenglet

L'idée de base, c'était de développer la culture chez les jeunes Français, en particulier les spectacles vivants. C'est la politique des bons sentiments. On la doit à notre Président, qui est un infatigable avocat du théâtre. Ainsi a été mis en place le "pass Culture" : un crédit de 380 euros par jeune, sans condition de ressources du foyer, et un crédit collectif, pour les classes, de 25 euros par élève.
 
Est-ce que cette politique s’est révélée efficace ? Tout dépend pour qui. Les milieux de la culture sont ravis, et ne tarissent pas d’éloge sur cette initiative. Le contribuable est un peu moins ravi, 245 millions pour le crédit individuel, en hausse ininterrompue, et 80 millions sur pour la part collective, nous dit la Cour des Comptes. Des fonds publics. Le "pass Culture" est désormais la première politique du ministère de la culture.
 
On ne peut même pas dire que ça encourage les jeunes à consommer des biens culturels. Côté livre, c’est le manga au hit-parade. Que le manga soit le parangon de la culture, ça se discute. Tant qu'ils arrivent dans les librairies, on les accroche, répondent les libraires. Au cinéma, place prépondérante aussi, on n'a pas de chiffres. Mais quand on regarde le box-office, on voit que c'est Disney qui est en tête cette semaine avec Vaiana 2. Est-ce que ça vaut le coup de financer Disney par la dette publique ? Les spectacles vivants pèsent pour un peu plus de 10% des crédits, en incluant les concerts. Ce serait étonnant que ce soit du Beaumarchais. Dans le top 10 des biens les plus consommés, on retrouve aussi des abonnements à Canal+, mais de qui se moque-t-on ?

Le parangon de la politique publique française

Ce qui ne va pas dans cette politique, c'est la logique de guichet : pas de contrôle, pas de conditions restrictives. C'est une tournée générale sur le dos des finances publiques, qui n’en ont pas besoin. C'est le parangon de la politique publique française : du gaspillage. La ministre de la culture elle-même déclarait en mai dernier, selon la Cour des comptes, craindre que  "le pass Culture ne fasse que conforter la reproduction des habitudes de consommation des jeunes aux dépens de la diversité culturelle".  C’est gentiment dit. En français ordinaire, ca veut dire que l’argent est jeté à la rivière. 
 
Alors, peut-on réformer ce dispositif ? On pourrait le mettre sous conditions de ressources, développer la partie collective, où l’argent est dépensé sous la supervision et avec les conseils d’un enseignant, qui peut conseiller ses élèves. Les professionnels de la culture, les libraires, les exploitants de cinéma, ne veulent évidemment pas de réforme.  On a entendu leurs arguments. Mais soyons sérieux : en ces temps où la dette pèse 3.300 milliards, le secteur de la culture est déjà largement subventionné côté production. Si on continue, on va avoir des réalisateurs fonctionnaires d’état pour faire des films, et des spectateurs fonctionnaires d’état pour les regarder. 

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