Le Canadien Couche-tard renonce à racheter les supermarchés Carrefour, après un "non" explicite du gouvernement français. L'hostilité au projet a été déclarée sans ambages à deux reprises par Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie. En cause : la souveraineté alimentaire de la France, c'est-à-dire la protection de nos intérêts.
Est-ce que cet argument est fondé ? Il est fondé juridiquement. Il y a, depuis quelques semaines, un décret qui autorise le gouvernement à s'interposer s'il considère que la distribution de produits agricoles est menacée. Un texte qui a été voté à l'unanimité par les députés qui l'ont examiné.
Cette initiative a aussi une motivation politique. Voir partir un champion français sous pavillon étranger, à 18 mois d’une élection présidentielle, ce n'est pas idéal, surtout s'il s'agit du premier employeur privé en France.
Par définition, un supermarché n'est pas délocalisable. Au niveau de l'emploi, des menaces planent sur la grande distribution, à cause de la montée en puissance du digital, de la perte de vitalité des hypermarchés, un format un peu en déshérence. Mais cela vaut dans tous les cas de figure.
En revanche, l'approvisionnement des rayons est délocalisable. On pouvait redouter que le nouveau propriétaire canadien ne développe la vente en France de produits canadiens au détriment des productions françaises. De fait, il existe un accord de libre-échange qui facilite les exportations du Canada en Europe, depuis peu, et qui peut inquiéter les producteurs français. Pour rappel Carrefour, c'est 20% des achats alimentaires français.
Plusieurs raisons expliquent la volonté des propriétaires de vendre. L'un, les Galeries Lafayette, est en situation financière délicate, à cause du coup terrible qu'a porté l’épidémie aux grands magasins. Les touristes étrangers, chinois en particulier, principaux clients du boulevard Haussmann, ont disparu. L'autre actionnaire important, Bernard Arnault, le fondateur et patron de LVMH, a perdu beaucoup d’argent avec Carrefour. Il a acheté sa participation il y a 15 ans beaucoup plus chère que ce qu'elle ne vaut aujourd’hui. Couche-tard offrait donc une occasion pour sortir en limitant les dégâts.
Des actionnaires qui semblent raisonner qu'en fonction de leur intérêt propre. C'est pour cela que Bercy leur a rappelé que l'État avait fait beaucoup pour eux, avec le chômage partiel, les prêts garantis par l'État et un coup de main diplomatique pour LVMH lors de son rachat de l'Américain Tiffany qui lui a permis de renégocier son prix à la baisse. On peut difficilement appeler l'État à la rescousse et se plaindre de ses interventions.
En conséquence, le rachat de Carrefour ne se fera pas avant la présidentielle : les deux entreprises étudient désormais des coopérations. Le problème, c'est que Carrefour reste avec deux actionnaires qui n'ont pas les moyens, ou pas l'envie, d'investir, alors que Couche-Tard voulait mettre trois milliards d'euros pour accélérer la transformation de l'enseigne.
De plus, l'entreprise est aujourd'hui invendable, car tout acquéreur étranger potentiel sait qu'il trouvera l'État sur sa route. En résumé, Carrefour reste français, tant mieux. Mais il reste aussi avec ses problèmes.
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