Ce mercredi 7 avril est une journée particulière au niveau international. C'est la date choisie par l'ONU en 2003 pour commémorer la "Journée internationale de réflexion sur le génocide au Rwanda". Un titre changé en 2018 pour devenir la "Journée internationale de réflexion sur le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994".
Il y a 27 ans aujourd'hui commençait donc le génocide des Tutsis, qui a fait quelque 800.000 morts selon l'ONU. Ces personnes ont été exterminées entre avril et juillet, à la demande du régime hutu de l'époque. Un rapport publié le 26 mars dernier pointe également les "responsabilités accablantes" de la France dans le génocide. François Mitterrand, président de la République à cette époque, est notamment pointé du doigt.
En France, le 7 avril a été instauré comme journée de commémoration en 2019. Une cérémonie d'hommage est prévue à la mairie de Paris.
Les Tusti et les Hutu sont des habitants du Rwanda, qui ont été différenciés en deux catégories ethniques par la colonisation allemande puis belge du pays. On parle à l'époque de deux "ethnies", alors même qu'ils partagent la même langue et le même espace. Des différences physiques ont été construites pour les différencier, et la mention "Tutsi" ou "Hutu" était inscrite sur les documents officiels.
Depuis de très nombreuses années, les Tutsi étaient désignés par le pouvoir hutu comme des ennemis, associés aux colons. Plusieurs massacres avaient déjà eu lieu, comme en 1959, avant l'indépendance de 1962, et de nombreux Tutsi s'étaient réfugiés en Ouganda.
En octobre 1990, une guerre civile s'enclenche au Rwanda entre le Front patriotique rwandais (FPR), créé par des exilés tutsis, et les Forces armées rwandaises, l'armée du président rwandais hutu Juvénal Habyarimana.
Pour y mettre un terme, des accords sont négociés en Tanzanie, à Arusha, à partir de 1992. Ils sont rejetés par les extrémistes Hutu, alliés du président. Une importante propagande, menée notamment par la Radio télévision libre des 1.000 collines, vise pendant ce temps à exclure les Tutsi.
Le soir du 6 avril 1994, l'avion du président rwandais, de retour d'Arusha, est abattu au-dessus de la capitale, Kigali. Le lendemain, le Premier ministre hutu modéré, Agathe Uwilingiyimana, dix Casques bleus belges de la Mission d'observation des Nations unies (Minuar) chargés de sa protection et plusieurs ministres de l'opposition sont tués. Un gouvernement par intérim composé d'extrémistes hutus est mis en place, et lance le génocide.
L'entreprise de destruction est méthodique est organisée, et fera 800.000 morts en trois mois selon l'ONU, un million selon les autorités rwandaises. Le génocide ne s'arrête qu'au mois de juillet, lorsque le FPR s'empare de Kigali.
Selon le rapport d'historiens remis à Emmanuel Macron le 26 mars, la France a "failli" car elle "est demeurée aveugle face à la préparation" du génocide des Tutsi. La commission de 14 historiens présidée par Vincent Duclert et mise en place en 2019 par Emmanuel Macron pointe du doigt des décideurs "enfermés" dans une grille de lecture "ethniciste" post-coloniale. Ils dénoncent le soutien quasi "inconditionnel" du président de l'époque François Mitterrand et de son entourage au régime "raciste, corrompu et violent" du président rwandais Juvénal Habyarimana.
La France considérait alors la rébellion tutsi comme une offensive téléguidée par l'Ouganda anglophone, et affichait en soutenant le régime rwandais sa défense de la francophonie. Le pays s'est notamment engagé militairement avec l'opération militaire Noroît, censée protéger les expatriés étrangers, mais qui protégeait de fait le régime contre l'offensive rebelle.
Une autre opération dite "Turquoise" est aussi largement contestée. Cette opération militaro-humanitaire lancée en juin 1994 par la France sous mandat de l'ONU a selon le rapport "permis de sauver de nombreuses vies, mais non celles de la très grande majorité des Tutsi du Rwanda exterminés dès les premières semaines du génocide". Les autorités françaises se seraient aussi refusées d'arrêter les commanditaires du génocide ayant trouvé refuge dans la zone sous contrôle français.
La France a ouvert ce mercredi 7 avril au grand public d'importantes archives relatives à la situation au Rwanda entre 1990 et 1994, selon une publication dans le Journal officiel. Il s'agit d'archives de l'ancien président François Mitterrand ainsi que celles de son Premier ministre de l'époque Edouard Balladur, dont certains figurent dans le rapport Duclert.
L'ouverture de ces archives va permettre à tous les historiens, mais aussi aux citoyens qui le souhaitent, de les consulter et de mieux comprendre la politique de la France au moment du génocide. Ces archives seront consultables aux Archives nationales, qui se trouvent à Paris et à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis).
Il reste encore d'autres archives concernant le génocide, qui n'ont pas été publiées ou consultées par les historiens du rapport Duclert. Ces derniers soulignent en effet que "les refus de communication ou de consultations, certes rares mais notables, opposés aux demandes de la commission, ont nui au caractère d'exhaustivité qu'elle a voulu donner à son travail".