Protection de la biodiversité : "Il faut qu'on arrive à se mettre d'accord avec nous-mêmes", dit Jancovici

Il y a deux semaines, le gouvernement français a présenté sa stratégie nationale pour préserver la biodiversité. La biodiversité, c'est l'ensemble des êtres vivants et des écosystèmes qu'ils constituent, et sans lesquels, nous les humains, nous ne pourrions pas vivre sur cette Terre. 

On imagine bien que sur la Lune, ou sur Mars, où il n'y a pas de biodiversité, même si demain matin, nous y mettions une atmosphère respirable, nous n'aurions pas instantanément toutes les espèces qui nous permettent d'avoir des "services écosystémiques". Par exemple, des espèces végétales qui poussent, ça nous permet de manger, d'élever des animaux ou d'épurer l'air et l'eau.

Nous sommes les lointains descendants de l'ensemble du vivant qui est apparu sur cette Terre : préserver le vivant, quelque part, c'est se préserver soi-même.

Dans la biodiversité, on a coutume de voir plusieurs types de diversités : il y a la diversité des espèces, mais aussi la diversité génétique au sein des espèces, etc. Cette biodiversité aujourd'hui est mise à mal par cinq phénomènes.

Le premier, c'est la suppression d'habitat. Historiquement, il s'agit de la déforestation pour faire de l'agriculture. On supprime un écosystème avec plein d'espèces dedans pour ne faire pousser qu'une seule espèce. L'agriculture est un grand suppresseur de biodiversité.

Le deuxième facteur de pression est l'artificialisation des sols. À chaque fois que l'on construit des infrastructures, c'est de la suppression d'habitat. Il peut y avoir aussi de la prédation excessive d'espèces, comme le braconnage ou la surpêche. La pollution est un autre facteur. Par extension, la pollution comprend l'usage des produits phytosanitaires.

On peut y ajouter les espèces envahissantes, qui pour le moment ne sont pas le plus gros problème pour la biodiversité. Et bien sûr, le dernier facteur est le changement climatique.

Dire qu'on a une stratégie nationale pour la biodiversité, c'est dire qu'on va essayer de s'occuper de ces facteurs de pression. De faire en sorte qu'ils soient moins importants, ou mettre en place des opérations de restauration. Par exemple, on conserve des champs, mais on essaie d'avoir des pratiques moins destructrices pour la biodiversité, et d'avoir des champs qui sont un peu plus accueillants pour la diversité d'espèces.

S'engager pour la biodiversité

Préserver la biodiversité, sauver la nature, on est tous plus ou moins pour. Sauf que quand il faut passer au concret, ça coince. Quand on dit qu'on va arrêter d'artificialiser des sols et d'arrêter de construire des pavillons, là, on est peut-être un peu moins pour.

La nourriture, c'est pareil : on est pour que l'on arrête d'utiliser des phytosanitaires qui tuent les insectes et font disparaître les oiseaux, sauf que si l'on fait cela, ça fait baisser les rendements, et si l'on fait baisser les rendements, ça fait de l'inflation alimentaire.

On est tous d'accord pour que le changement climatique ne brûle pas toutes nos forêts ; mais on est un peu moins d'accord pour moins acheter, manger moins de viande, descendre de notre voiture, chauffer moins. On est tous pour que les usines arrêtent de polluer, mais si elles arrêtent de polluer en utilisant des procédés qui vont demander plus de moyens et des coûts plus élevés... vous avez compris le principe.

La biodiversité c'est exactement comme le climat : ça nous soumet à des injonctions contradictoires, et il faut qu'on arrive à se mettre d'accord avec nous-mêmes. Il y a quelque chose qui est essentiel de rappeler dans cette histoire : un gouvernement, ça n'est que le reflet d'une population. Et tant que nous, on ne s'est pas mis d'accord avec nous-mêmes, le gouvernement aura énormément de mal à le faire.

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