Plusieurs responsables politiques, de droite comme de gauche, ont mis en cause "la chaîne pénale et administrative" dans l'affaire du meurtre de Philippine, jugeant que le suspect n'aurait pas dû être libéré avant l'obtention du laissez-passer permettant son expulsion vers le Maroc. "Il faut faire évoluer notre arsenal juridique", a notamment affirmé le nouveau ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (LR).
Trois jours après la découverte du corps de l'étudiante de 19 ans enterré dans le Bois de Boulogne à Paris, un suspect de 22 ans, condamné en octobre 2021 à sept ans de prison pour un viol commis en 2019 et sous le coup d'une obligation de quitter le territoire (OQTF), a été interpellé mardi 24 septembre en Suisse. Une information judiciaire a été ouverte pour homicide et viol.
L'OQTF est "une mesure administrative du préfet à destination des personnes en situation irrégulière. C'est une mesure prise spécifiquement en raison de la situation irrégulière", explique au micro de RTL Tania Racho, chercheuse en droit européen et consultante chez Désinfox-Migrations. Et de poursuivre : "En théorie, les OQTF ont un délai de départ volontaire d'environ un mois et à défaut de départ volontaire, il est possible de faire un départ forcé."
En France, selon elle, "il y a une volonté de la part des préfets de systématiquement adresser des OQTF pour toutes les personnes en situation irrégulière". Ce qui n'est pas le cas "de tous les pays".
Selon une source proche du dossier cité par l'AFP, le suspect était sorti d'un centre de détention dans l'Yonne le 20 juin dernier. En vertu d'une OQTF avec une interdiction de retour de 10 ans, il a été placé dans un centre de rétention administrative (CRA) à Metz en vue de son expulsion vers le Maroc. "La rétention est faite pour organiser le retour, l'éloignement. L'objectif, c'est de maintenir la personne le temps d'organiser un vol", rappelle Tania Racho. "En théorie, la législation indique que ce temps doit être de 30 jours. Qui peut être prolongé plusieurs fois jusqu'à un maximum de 90 jours, avec ensuite l'intervention du juge de la liberté et de la détention", ajoute-t-elle.
Dans le dossier de l'homme suspecté du meurtre de Philippine, les magistrats lorrains saisis par la préfecture de l'Yonne ont prolongé par ordonnances à trois reprises sa rétention, les 23 juin, 20 juillet et 19 août, selon des documents judiciaires consultés par l'AFP. Le 3 septembre, quatrième et dernière audience de prolongation, l'homme de 22 ans dit vouloir quitter la France et le tribunal judiciaire de Metz finit par valider sa sortie du centre de rétention.
Le 3 septembre, un juge des libertés et de la détention avait validé sa sortie du centre de rétention. Une mesure assortie d'une obligation de pointer. Le 4 septembre, le Maroc avait fait "parvenir l'autorisation d'expulsion" aux autorités françaises, selon cette source.
Le jeune homme est assigné à résidence dans un hôtel de la banlieue d'Auxerre qu'il ne rejoindra jamais, selon une source proche du dossier. La veille du meurtre, le 19 septembre, le suspect avait été inscrit au fichier des personnes recherchées, parce qu'il ne respectait pas son obligation de pointer.
La France connaît le taux d'exécution des mesures d'éloignement le plus bas de l'Union européenne, autour de 10% contre près de 30% chez nos voisins. Sur les quelque 134.000 OQTF par an en France, "15.000" sont (seulement) exécutées, indique la chercheuse en droit européen. "Dans d'autres pays comme l'Allemagne, c'est 35.000, 40.000 OQTF par an [...] Finalement, la France va éloigner réellement plus de personnes que l'Allemagne, mais le taux d'exécution est plus faible parce qu'elle produit beaucoup plus de mesures."
En 2019, Emmanuel Macron avançait, dans une interview à l'hebdomadaire d'extrême droite Valeurs actuelles, l'objectif de porter à 100% le taux d'exécution des OQTF. Un objectif inatteignable ? "Il y a plus de mesures en France, car il n'y a pas de sélection. Dans les autres pays, l'objectif est de ne pas mettre une mesure qui ne sera jamais exécutable", analyse Tania Racho.
Elle soulève aussi "un défaut soulevé par la Cour des comptes de 2024" sur la politique "de lutte contre l'immigration irrégulière" : à savoir, une surproduction des mesures d'OQTF". Pour elle, l'"administration se trompe parfois dans l'édiction de ces mesures. En France, environ 15% des OQTF sont annulées par le juge administratif".
Dernier obstacle : les "laissez-passer consulaires" qui sont "très variables en fonction des pays". "Une personne qui n'a pas de papier, ni de son pays d'origine ni de titre de séjour en France, pour la renvoyer dans un pays, il faut qu'elle soit acceptée. Entre alors en jeu des négociations diplomatiques", explique-t-elle. Aussi, la Cour des comptes a relevé "peut-être une difficulté administrative" en raison de la présence de "plusieurs interlocuteurs avec les consulats [...] Il n'y a pas d'interlocuteur unique en France. Les décisions sont un peu éparpillées et les pays en profitent pour faire des négociations diplomatiques sur d'autres sujets en échange des laissez-passer".
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