Il n’est pas fréquent que la disparition d’un chef d’entreprise suscite autant d’émotion que celle de Bernard Tapie. Mais l’homme a été plus qu’un chef d’entreprise. Il a montré un courage remarquable face au cancer, mais pas seulement. Bernard Tapie était aussi, et peut-être d’abord, l’incarnation d’une réussite individuelle. Une réussite qui ne doit rien au milieu, au diplôme, aux réseaux, mais tout au tempérament, comme lorsqu’il s’enrichit en reprenant des entreprises au bord de la faillite tel que Terraillon.
Il émerge pendant les années 1980, justement dans ces années qu’on appellera les "années Tapie", au moment où la vision d’une société dominée par la lutte des classes s’efface au profit d’une société plus morcelée où c’est le talent individuel, l’énergie et la volonté de réussir qui font la différence. C’est l’époque où les Français découvrent l’entreprise sous un jour nouveau. Celui du projet, de la réussite. Juste avant la seule période libérale qu’ait connue le pays, sous le gouvernement Chirac entre 1986 et 1988, directement inspirée du programme Thatcher mis en œuvre outre-Manche, avec des privatisations importantes, le développement des marchés financiers, etc.
Mais ce n’est pas le seul homme d’affaires français de cette époque à réussir, loin s’en faut. Il y a d’autres figures : Bernard Arnault, François Pinault, Vincent Bolloré, qui réussiront d’ailleurs dans les affaires bien mieux que Tapie. Ils sont aujourd’hui multimilliardaires, à la tête d’empires industriels considérables, ce qui n’est pas le cas de Tapie. Mais non seulement Tapie était parti de bas, ce qui n’est pas le cas d’un Arnault ou d’un Bolloré, mais il n’a jamais adopté les codes des riches et n’a jamais fait partie d’establishment.
Il est toujours resté chez Bernard Tapie un côté Robin des bois, qui entre par effraction dans le camp des possédants et conserve une façon de parler directe qui tranche avec les habitudes des puissants. Un Robin des bois qui, d’une certaine façon redistribue le produit de ses larçins, en finançant un club de football populaire, l’Olympique de Marseille, ou en faisant de la politique comme éphémère ministre de la ville au début des années 1990.
Comment un peuple aussi foncièrement égalitaire que les Français a-t-il pu s’attacher à un homme qui promouvait la réussite individuelle et qui avait son yacht ? Justement parce que cette réussite était transgressive, et qu’il s’agissait d’une sorte de vengeance sociale par procuration. La meilleure preuve, qui n’a fait que confirmer l’image positive de Tapie, c’est qu’il a finalement été rejeté et par le milieu politique, et par le milieu des affaires, l’establishment.
L’affaire Adidas l’illustre fort bien. En 1992, Tapie cède Adidas, la marque de vêtement de sport, au Crédit Lyonnais, alors banque publique, qui le revend plus tard avec une considérable plus-value, au moyen d’un montage obscur. L’homme d’affaires estime alors avoir été floué. Suivront 30 ans de bagarres judiciaires et d’innombrables retournements où interviendront juges et politiques.En jeu, plusieurs centaines de millions d’euros que Bernard Tapie a fini par recevoir en compensation. La prochaine étape judiciaire de cette rocambolesque affaire devait avoir lieu dans deux jours, le 6 octobre, après l’appel fait par le Parquet pour contester un jugement qui innocentait totalement Bernard Tapie.
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