Mac Lesggy explique pourquoi la technique d’édition génétique CRISPR-Cas est l'une des découvertes de l'année

La technique d’édition génétique CRISPR-Cas va littéralement révolutionner l’agriculture, la santé humaine, bref, notre vie, et on en voit enfin, en cette année 2023, les premières applications concrètes. C’est sans doute la découverte la plus importante depuis celle de l’ADN en 1953. On peut aussi appeler cette technique "les ciseaux génétiques", c’est plus simple. À la base c’est un mécanisme naturel de défense des bactéries contre les virus. Découverte japonaise de 1987. Quand un virus envahit une bactérie, le complexe CRISPR-Cas9 de celle-ci repère le virus, et Cas9, une enzyme, coupe l’ADN du virus, ce qui le détruit, d’où le nom de "ciseaux génétiques". Le génie de deux biologistes, Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, c’est d’avoir détourné ce mécanisme de défense pour en faire un outil de modification de l’ADN de n’importe quel être vivant, plante, animal, homme, etc. 

La publication scientifique date de 2012, le prix Nobel vient la récompenser en 2020, mais cela fait déjà 10 ans que tous les laboratoires du monde exploitent ces ciseaux génétiques. Grâce à eux, on peut rapidement, facilement et pour pas cher, dans une cellule, couper, ouvrir la double hélice de l’ADN, à un endroit précis, celui qu’on veut, pour faire 2 choses : soit inactiver, un gène, un caractère génétique indésirable par exemple celui responsable d’une maladie génétique, soit remplacer ce gène par un autre qui possède des caractéristiques intéressantes.

On le faisait déjà quand on créait des OGM, mais c’était beaucoup moins précis, on ne savait pas exactement dans quelle partie de l’ADN allait le gène qu’on introduisait dans la cellule. Les ciseaux moléculaires c’est plus précis, plus efficace, le champ des applications est immense ! 

Quelques exemples

D’abord en agriculture, quelques avancées sont sur le point d’aboutir. Une laitue enrichie en vitamine C, qui brunit moins vite, se conserve plus longtemps, soit moins de gaspillage. Un maïs qui fleurit même quand il manque d’eau, donc mieux adapté à la sécheresse, nécessitant moins d’irrigation. Un colza qui résiste à un champignon parasite, le sclérotinia, donc moins de traitements fongicides. Une pomme de terre qui résiste à un virus transmis par les pucerons, donc là encore, moins de traitements insecticides cette fois contre les pucerons. Il y en a plein d’autres en développement dans le monde entier, mais pas en Europe où c’est encore interdit ! Le Parlement européen doit se prononcer sur l’autorisation des ciseaux génétiques en janvier, souhaitons qu’il dise oui ! 

Pour la santé, ce sont les thérapies géniques : chez des patients atteints de maladies génétiques, on corrige le gène déficient par ciseaux génétiques. Ça y est, l’Europe, après les USA, vient d’autoriser deux thérapies contre la drépanocytose et la bêta-thalassémie, maladies génétiques du sang. Mais ce n’est pas tout, quelques malades atteints d’hypercholestérolémie ont été soignés efficacement : il y a un mois, un petit Américain atteint de la myopathie de Duchenne a été traité et peut maintenant marcher ou monter un escalier sans aide… Eh bien d’autres traitements pour d’autres maladies sont à l’étude, pour l’instant sur des modèles animaux. 

Une technique sans risque ?

Ça, bien sûr, l’avenir le dira. On modifie quand même l’ADN de toute ou partie des cellules de notre corps. Et ça, définitivement ! Chez les premières personnes traitées, il faut vérifier que cela n’entraîne pas à long terme, d’effets secondaires indésirables. C’est d’ailleurs pour cela que les essais cliniques prennent du temps. Il faut respecter les protocoles scientifiques, sans brûler les étapes ! Mais la technique est tellement précise qu’il y a des raisons d’être optimistes. Et pour des millions de personnes malades dans le monde, ça déjà, c’est un joli cadeau de Noël ! Bon Noël à tous !

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