4 min de lecture
La Corse se soulève à Ajaccio contre la violence organisée.
Crédit : Étienne Baudu/RTL
Je m'abonne à la newsletter « Infos »
La capitale de la Corse, se réveille sous le signe de la lutte contre la mafia, ce samedi 8 mars. À l'appel de deux collectifs créés en 2019, une manifestation a lieu dans les rues de la ville pour dénoncer l'emprise du crime organisé sur l'île. Ce fléau, longtemps considéré comme un tabou, est désormais ouvertement abordé, particulièrement après une série de faits divers dramatiques qui ont choqué la population.
L’année dernière, la Corse a enregistré un nombre record de meurtres : 18 homicides et 16 tentatives pour une population de 355 000 habitants. Ces chiffres inquiétants placent l’île parmi les régions les plus violentes de France. Entre les événements les plus marquants, le meurtre d’un jeune pompier dans un bar d’Ajaccio fin 2024, ainsi que l’assassinat d’une jeune étudiante de 18 ans, Chloé, tuée par erreur dans une attaque visant son compagnon, ont provoqué une onde de choc.
Parmi les manifestants, Jean a décidé de se joindre au mouvement, porté par un sentiment d’urgence : "Oui, pour un soutien collectif de tout ça, parce que j’ai perdu des gens que je connaissais. Donc à un moment, il faudra que ça s’arrête." Delphine, ancienne commerçante sur le continent, avait un temps envisagé d’ouvrir une boutique en Corse avant d’y renoncer, par crainte des pressions. "Je n’aurais pas toléré que quelqu’un vienne taper à ma porte en me disant : ‘Tu as besoin de protection, je te protège moyennant tant d’argent.‘"
Les collectifs organisateurs de cette manifestation ont joué un rôle clé dans cette prise de conscience. En mettant en lumière l’emprise de la mafia sur l'île, ils ont provoqué un sursaut dans la population. La violence mafieuse, longtemps minimisée, est désormais un sujet de débat ouvert, notamment dans les villes comme Ajaccio, où les habitants commencent à dénoncer cette réalité qui les touche de plus en plus.
La société civile répond donc présente, mais la classe politique insulaire, elle, semble hésitante et assez étrangement silencieuse. Aucun des principaux élus locaux n'a souhaité prendre la parole. L'Assemblée de Corse a récemment voté plusieurs propositions pour lutter contre les dérives mafieuses, mais aucune d'entre elles ne reprend les dispositions juridiques adoptées au Sénat et que le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, est venu défendre la semaine dernière en Corse, comme la création d'un parquet national anticriminalité organisé, avec un pôle à Bastia, le renforcement de la confiscation des biens ou encore l'extension du statut de repenti aux auteurs de crimes de sang.
Jean-Toussaint Plasenzotti, du collectif Massimu Susini, pointe du doigt l’absence de réaction et les différents comportements d’une partie des élus corses. "Il y a les indifférents, ceux qui pensent qu’il ne leur arrivera jamais rien, que ça ne les concerne pas et ne s'en mêlent pas, détaille-t-il. Il y a aussi la peur. Par exemple, le président de la Chambre de commerce d'Ajaccio a démissionné parce qu'il a subi des pressions mafieuses".
"D'autres ne démissionnent pas et donc se plient aux injonctions des mafieux, ajoute-t-il, complices par la peur. D'autres sont complices par l'intérêt, c'est-à-dire qu'ils sont totalement intégrés dans un système mafieux, ils y participent de manière consciente, volontaire et de manière intéressée".
Face à cette situation, l'État a pris des mesures pour soutenir la lutte contre le crime organisé. Plusieurs réformes juridiques ont été proposées, y compris l'extension du statut de "repenti" aux auteurs de crimes de sang.
Parallèlement, des initiatives éducatives sont lancées, comme des formations anti-mafia dans les collèges et lycées de Corse, afin de déconstruire le mythe du "mafioso à l'argent facile" et sensibiliser les jeunes générations à cette problématique. "En Corse, on a laissé s'installer des mythes qui donnent l'impression que pour être un homme, pour être vraiment de son territoire, il faut se comporter de telle et telle façon, explique le préfet de Corse, Jérôme Filippini. Et il y a sans doute une image de la violence, du virilisme, du port des armes qui a été diffusée, il faut arriver à développer des contre-modèles".
Si la mobilisation des collectifs semble croissante, la question demeure : combien de Corses participeront réellement à cette manifestation ? Seule une délégation d'élus devrait être présente, illustrant l'écart entre la société civile, qui se mobilise activement, et une classe politique encore partagée sur la manière de combattre ce fléau.
Bienvenue sur RTL
Ne manquez rien de l'actualité en activant les notifications sur votre navigateur
Cliquez sur “Autoriser” pour poursuivre votre navigation en recevant des notifications. Vous recevrez ponctuellement sous forme de notifciation des actualités RTL. Pour vous désabonner, modifier vos préférences, rendez-vous à tout moment dans le centre de notification de votre équipement.
Bienvenue sur RTL
Rejoignez la communauté RTL, RTL2 et Fun Radio pour profiter du meilleur de la radio
Je crée mon compte