L'Assemblée nationale conclut ce mardi 16 février l'examen en première lecture du projet de loi sur le séparatisme. Le texte confortant les principes républicains prévoit notamment un contrôle renforcé des financements étrangers des lieux de culte.
Les dons de plus de 10.000 euros devront être déclarés sous peine de sanction. Par ailleurs, la cession d'un lieu de culte à un pays étranger sera soumise à une obligation de déclaration préalable. L'objectif : bloquer certains projets suspects et limiter l'influence des pays étrangers sur l'Islam de France.
Comme le Maroc, certaines puissances étrangères tentent d'influencer l'Islam en France. Il s'agit surtout des principaux pays d'origine des musulmans. Le Maroc et L'Algérie, d'où est originaire la majorité des 6 millions de musulmans en France. Vient ensuite la Turquie et ses 800.000 ressortissants, des croyants pour la plupart, implantés dans l'Est, à Strasbourg et Mulhouse.
L'influence de l'Algérie est historique, des liens issus de la colonisation, renforcés par les vagues successives d'immigration. Le Royaume du Maroc et la Turquie se sont lancés dans la diplomatie religieuse il y a plus de 10 ans.
Concernant les Pays du Golfe, comme l'Arabie Saoudite ou le Qatar, ils ont une influence, principalement financière. Pour tous ces États, il s'agit là de soft power, d'une diplomatie religieuse.
Chacun veut accroitre son emprise et sa visibilité auprès de sa propre communauté. Une rivalité s'est même installée entre ces pays pour dominer l'Islam de France au moment où il tente de se structurer.
Cette stratégie se matérialise d'abord par une forte influence des États étrangers sur les principales fédérations qui siègent au CFCM, le conseil français du culte musulman chargé d'organiser l'Islam de France.
Elle se manifeste également par un contrôle plus ou moins direct sur les lieux de culte et les associations qui les gère. Il y a 2.600 mosquées en France, 600 d'entre elles seraient d'obédience algérienne placées sous l'autorité de la Grande Mosquée de Paris. 800 lieux de culte seraient influencés par le Maroc et 400 seraient liés directement à la communauté turque.
L'influence turque est d'ailleurs de plus en plus importante. Plusieurs chercheurs observent depuis une dizaine d'années une montée de l'activisme au sein des réseaux turcs. Autour notamment de deux principales fédérations.
Le Comité de coordination des musulmans turcs, appelé aussi Ditib, l’émanation en France du ministère turc des affaires religieuses, qui répond directement à Ankara. Et le Milli Gorus, organisation proche des frères musulmans. Résultat : en 2017, le leader du Ditib, Ahmet Ogras, est devenu le premier président turc du CFCM.
Selon plusieurs experts, à travers ces influences Erdogan veut entretenir le lien avec sa diaspora qui vote principalement en sa faveur.
Selon plusieurs études, les subventions étrangères représenteraient 20% du financement global. Les États investissent plusieurs millions d'euros chaque année.
L'Algérie verse par exemple 2 millions d'euros par an à la Grande Mosquée de Paris. Le Maroc près de 6 millions dans la construction et la gestion des lieux de culte, le Royaume est par exemple propriétaire de la mosquée d'Évry. Et il tente de mettre notamment la main sur la mosquée de Puteaux près de Paris ou d'Angers.
Parmi les pays du golfe, L'Arabie Saoudite a également participé au financement de plusieurs lieux de culte, le Qatar investit aussi dans des établissements privés destinés à l'enseignement.
La Turquie ne finance pas directement les lieux de culte mais elle rémunère les imams détachés. Il y a en France 300 imams détachés en permanence. Ils viennent assurer les prêches là où l'on manque d'officiants. Environ 150 d'entre eux sont donc envoyés par la Turquie. 120 sont originaires d'Algérie et 30 du Maroc. Le gouvernement a annoncé la sortie de ce système dans 3 ans afin de lutter contre ce qu'Emmanuel Macron appelle l'Islam Consulaire.
Dans le même temps la France continue pourtant d'envoyer les imams nationaux se faire former au Maroc ou en Algérie.