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6 min de lecture
Vue générale de la cour du collège (illustration)
Crédit : DAMIEN MEYER / AFP
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Elisabeth Borne doit présenter ce mercredi 27 septembre le nouveau plan du gouvernement pour lutter contre le harcèlement scolaire. Une "priorité absolue" pour l’exécutif qui souhaite prioriser son action sur trois axes : prévention, détection, réaction. Les témoignages d’enfants harceleurs, de leurs parents, sont très rares. À peine une dizaine de publications recensées ces cinq dernières années sur les réseaux sociaux, et quelques articles de presse. Et pourtant.
Beaucoup d’enfants harcelés et leurs parents, que RTL a pu rencontrer au fil des années, comme les parents de Maël dernièrement, ont à plusieurs reprises exprimé leur besoin de comprendre ce qui se passait dans la tête du harceleur. RTL a donc essayé de se mettre dans leur peau pour essayer de comprendre le mécanisme qui pousse certains enfants à en harceler d’autres.
Il suffit de passer quelques minutes à la sortie d’un collège pour se rendre compte qu’il y a des harceleurs partout. Mateo, aujourd’hui en classe de 4e nous a rapidement raconté qu’il avait été harcelé à son entrée en 6e. "J’étais dans une classe avec des gens qui me regardaient, pas de travers, mais ils voyaient que je n’étais pas quelqu’un de serein mentalement", bredouille l’adolescent de 13 ans. Avant d’ajouter : "Comme j’avais un peu de poids, ils me disaient que j’étais gros… Un jour, je me suis un peu défendu, ils m’ont dit 'on va t’attendre dehors, tu vas voir ce qui va t’arriver'. J’étais stressé tout le reste de l’année […] C’est ça qui détruit mentalement et qui pousse des fois les gens au suicide".
La rentrée a une nouvelle fois été dramatique, après le suicide de Nicolas, harcelé dans son collège de Poissy en région parisienne. Dans le cas de Mateo, c’est l’effet de groupe qui motivait ses harceleurs, agissant toujours en bande. Nous avons contacté des fédérations de parents, des associations de lutte contre le harcèlement, des proviseurs, des psychologues, des pédopsychiatres pour lister ce qui pousse un enfant à devenir harceleur : le sentiment d’impunité sur les réseaux sociaux, le besoin de s’intégrer à un groupe, de se sentir fort dans la majorité des cas.
Tous ces acteurs ont insisté sur le fait qu’un enfant harceleur peut aussi être un enfant harcelé. C’est le cas de Virginie, 40 ans aujourd’hui, la seule à avoir accepté après plusieurs appels à témoignages de raconter son passé de harceleuse dans ses années collèges.
Les souvenirs sont toujours aussi présents : "Je me souviens de deux petites filles et un petit garçon. Pour eux, ça devait être un enfer d’aller à l’école. C'était des intimidations dans la cour de récréation, des coups de pied, des coups de poing et c’était plus, 'si tu le dis à ton père, ce sera encore pire la prochaine fois'… des coups de pied même si l’enfant était au sol, je pouvais continuer de taper".
Sans chercher à se "trouver des excuses", elle explique qu’elle a mis 15 ans à mettre le mot harcèlement sur ce qu’elle avait fait subir à ses victimes. Une démarche faite seule, avec l’aide d’une psychothérapie. "À la maison, comme je subissais la violence de mon frère qui me frappait, je ne pouvais pas me défendre… pour moi c’était une façon de déchaîner ma colère. Et surtout ce côté injustice : quand les parents [d’un enfant qu’elle harcelait] venaient, il y avait ce côté 'tes parents ils sont là pour te protéger et pas moi' … personne ne m’a aidé".
"Un enfant harceleur est, pas toujours, mais souvent harcelé", précise Nathalie Eudes, psychologue pour l’Éducation nationale, syndiquée UNSA : "C’est un mécanisme de défense, il y a quand même une grande proximité dans les mécanismes psychiques à l’œuvre, un tas de signes. Cela peut être des changements d’humeur, une baisse des résultats scolaires, des difficultés d’endormissement, une perte d’appétit, des cauchemars, des régressions ! Énormément d’enfants harcelés qui sont potentiellement harceleurs et inversement".
Tous ceux qui agissent pour lutter contre le harcèlement scolaire nous l’ont dit : le nouveau plan que le gouvernement doit annoncer ne pourra être efficace que si l’on accepte d’entendre tous les acteurs du harcèlement; y compris le harceleur. Une psychologue en milieu scolaire résume : "Exclure un enfant harceleur de son établissement scolaire, c’est repousser le problème. C’est lui coller une étiquette dans le dos et lui faire comprendre qu’il y a des règles, une vie en société, et qu’il n’en fait pas partie. Dans son nouvel établissement, il peut facilement se remettre à harceler, comme une sorte de statut à défendre".
L’Éducation nationale, y compris dans son programme pHARe, cherche toujours à inclure le harceleur en privilégiant une approche de "co-éducation". L’objectif est d’inclure dans la reconnaissance des faits les parents de l’élève auteur de harcèlement, mais aussi les personnels sociaux et les éducateurs si l’élève bénéficie déjà d’une multitude de prises en charge. L’implication de l’élève est "essentielle" pour le ministère qui adopte une approche "individualisée" à chaque situation, toujours dans un objectif pédagogique.
Que la sanction soit un simple contrat signé entre le harcelé et le harceleur, une justice réparatrice comme c’est le cas pour l’adolescent de 14 ans interpellé dans sa classe par la police à Alfortville mi-septembre, il faut toujours permettre à l’élève auteur de rester scolarisé.
Le soutien psychologique n’est pas imposé systématiquement à un élève harceleur. C’est l’un des principaux problèmes pour Nathalie Eudes : "Très concrètement, il y a environ 7.000 psychologues de l’Éducation nationale, ce qui représente une moyenne de 1 psychologue pour 1.500 élèves. Cela peut aller jusqu’à 3.500 élèves pour un psychologue… C’est impossible, il n'y a pas suffisament de moyens !".
Restent les suivis psychologiques à l’extérieur mais les délais d’attente pour une prise en charge s’allongent. Et beaucoup d’enfants, surtout de parents n’osent pas faire appel à un soutien, à parler de ce qu’ils vivent. Par honte, la peur d’être jugé comme des parents indignes qui n’ont pas su bien élever leur progéniture.
Une mère de famille, dont la fille était harcelée en primaire a fait la démarche d’aller rencontrer les parents de l’enfant harceleur : "Cela m’a complètement fait changer ma vision du harceleur. J’ai appris que sa mère était très sensibilisée sur le sujet, qu’elle avait tenté de prendre un rendez-vous, sans succès, chez un psychologue pour son fils, qu’elle était partie en dépression… On se parle toujours aujourd’hui et on lutte ensemble contre le harcèlement scolaire".
Virginie est maman aujourd’hui. Elle se dit favorable à la mise en place de cours d’empathie. "Quand on est enfant harceleur, on a beaucoup de mal à se rendre compte que l’on fait du mal. On en a une vague idée, on voit l’autre pleurer, mais cela reste abstrait", alerte-t-elle. Et de conclure : "Les harceleurs sont forcément montrés du doigt comme étant des monstres et on se pose pas la question suffisamment la question sur le pourquoi ils sont devenus comme ça. Parce qu’on ne devient pas méchant naturellement".
La quadragénaire a fait la démarche de retrouver les collégiens qu’elle harcelait. Un message sur les réseaux sociaux et une rencontre, pour s’excuser. Des excuses acceptées, "ce qui n’enlève rien le mal que je leur ai fait", tient-elle une nouvelle fois à préciser. À 40 ans, elle a peur aujourd’hui qu’un de ses enfants devienne harcelé, ou harceleur.
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