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FACT CHECKING - Les aides sociales aux étrangers coûtent-elles 20 milliards d'euros, comme l'affirme Éric Zemmour ?

Le candidat nationaliste souhaite supprimer les allocations versées aux étrangers extra-communautaires pour réaliser des économies importantes. Mais le chiffrage de la mesure fait débat.

Éric Zemmour, invité de RTL le 28 février 2022

Crédit : Nicolas Kovarik /Agence 1827 /RTL

La rédaction numérique de RTL

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Invité du "Petit-déjeuner présidentiel" de RTL, ce lundi 28 février, Éric Zemmour s'est opposé à ses intervieweurs, les journalistes de RTL Anaïs Bouissou et Benjamin Sportouch, sur la question du coût des aides sociales versées aux immigrés extra-européens en France. 

Cette question est au cœur du programme porté dans la campagne par le candidat nationaliste qui souhaite réserver l'essentiel des allocations aux seuls Français. "Je veux que la solidarité nationale ait un sens. Un Français doit avoir des privilèges chez lui. C'est ce qu'on fait dans tous les pays du monde", a-t-il notamment souligné.

S'il est élu Président, l'ancien polémiste promet ainsi de supprimer "les prestations sociales non-contributives" versées aux étrangers extra-européens, à savoir "le RSA, les allocations logements ou le minimum vieillesse", a-t-il énuméré, soulignant néanmoins que les extra-communautaires "continueront à bénéficier de la sécurité sociale, de l'Assurance maladie et de la retraite pour lesquels ils ont cotisé en tant que salariés".

20 milliards d'euros d'économies sur les aides sociales aux étrangers, un chiffre surévalué

Éric Zemmour estime pouvoir réaliser des économies substantielles avec cette proposition. Fin octobre, il indiquait sur le plateau du Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI qu'une mesure visant tous les étrangers présents sur le territoire français, y compris ceux en situation régulière, pourrait représenter une économie de 20 à 30 milliards d'euros. À l'antenne de RTL, ce lundi, le candidat a évoqué un calcul de 21 milliards d'euros pour les seuls étrangers extra-communautaires.

Éric Zemmour affirme s'être appuyé sur des estimations réalisées par les économistes de l'Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE), dont le journal Marianne a publié les conclusions mi-décembre. "C'est une très bonne question. Mes équipes ont fait un calcul d'évaluation. Forcément, il n'est pas au centime d'euro près. Mais c'est impossible. Je me fie à des calculs. Vous savez, l'OCDE, je crois que c'est le journal Marianne qui l'a raconté, a chiffré à 21 milliards le coût de ces prestations sociales non contributives aux étrangers", a affirmé le candidat. 

Globalement, les données sur l'allocation des aides versées par la France en fonction de la nationalité des personnes sont lacunaires. Un point déploré depuis plusieurs semaines par Eric Zemmour, qui a de nouveau dénoncé l'opacité des services sociaux sur l'antenne de RTL ce lundi. En parallèle aux estimations de l'OCDE, l'équipe du candidat a donc réalisé ses propres calculs, sur la base de différentes hypothèses, en s'appuyant sur des données datant parfois de quelques années. Elle est arrivée à une enveloppe à peu près équivalente de 20 milliards d'euros. 

D'après les éléments diffusés par Marianne, l'enveloppe de l'OCDE comprend 9,5 milliards au titre des allocations familiales, 5,1 milliards à travers les aides au logement et  6,1 milliards via le RSA et d'autres aides contre l'exclusion versées aux immigrés en France en 2018. 

Nous avons sollicité l'organisme pour obtenir plus de précisions sur son étude. L'OCDE indique que les chiffres cités par Marianne sont corrects. "On peut en effet déduire de notre travail que les prestations non contributives perçues par l'ensemble des personnes nées a l'étranger (naturalisés, Européens et rapatriés compris) s'élèvent en moyenne entre 2006 et 2017 à 20 milliards par an. Cela dit, l'organisme explique que les chiffres cités par le candidat et son équipe ne peuvent se comparer à ce calcul. "On peut dire qu'ils sont tout à fait farfelus et biaisés car les étrangers contribuent au financement des prestations non-contributives par les impôts et les taxes", indique l'OCDE. En outre, les calculs de l'OCDE englobent l'ensemble des immigrés, soit environ 13% de la population française, et pas seulement les étrangers extra-européens, qui représentent près de 5%. 

La Cnaf évoque un montant maximal de 9 milliards d'euros

Les journalistes en plateau ont opposé à Éric Zemmour le calcul de la Caisse nationale des allocations familiales, la Cnaf, qui verse l'essentiel des prestations non-contributives, pour un montant maximal de 9 milliards d'euros. "Je sais. Je crois l'OCDE. Je pense que la Cnaf ne donne pas les bons chiffres. De toute façon, elle ne donne pas les chiffres tout court. C'est moi qui l'ai obligée à donner des chiffres", a rétorqué le candidat.

Sollicitée par RTL, la Cnaf maintient que la totalité des allocations qu'elle verse aux étrangers est bien de 9 milliards d'euros par an, soit 13% du montant total des prestations qu'elle verse. Ces aides comprennent à la fois les prestations familiales, les allocations logement, le RSA, l'allocation pour adultes handicapés et la prime d'activité. 

L'organisme précise également qu'il ne fait pas de distinction entre les étrangers européens et extra-européens. "10% des foyers qui perçoivent nos prestations sont des foyers de ressortissants étrangers, qui correspondent à ceux où l’allocataire et son éventuel conjoint sont de nationalité étrangère". Ce calcul exclut donc les couples mixtes. Il ne prend pas non plus en compte l'allocation de rentrée scolaire, ni le minimum vieillesse, géré par la Cnav.

55% des immigrés extra-européens en âge de travailler sont-ils vraiment inactifs ?

Les journalistes ont également évoqué devant Éric Zemmour les conclusions d'un autre rapport publié cet automne par l'OCDE sur le coût de l'immigration, selon lesquelles la France remplit davantage les caisses de l'État grâce aux impôts et contributions payées par les étrangers qu'elle ne les vide en dépensant pour leur protection sociale. Une vision que ne partage pas l'ancien polémiste qui s'est empressé de dégainer un autre argument qu'il emploie régulièrement, celui des étrangers en majorité inactifs.

"J'ai lu ce rapport. L'OCDE oublie des choses très simples. Elle a choisi son angle de calcul. Elle ne comptabilise pas les dépenses annexes. C'est-à-dire, l'école, les services publics, la prison. Je regarde comment sont calculés les chiffres. En l'occurrence, l'OCDE n'a pas tout calculé", a-t-il affirmé, avant de "donner un exemple très simple". "Parmi les étrangers extra-européens, quel est le chiffre de l'activité, ou plutôt le taux d'inactivité de ces gens, entre 15 et 64 ans, en âge de travailler ? 55% ne travaillent pas. Ces gens n'ont rien à faire en France", a-t-il estimé. Le candidat a ensuite campé sur sa position malgré l'insistance des journalistes lui rétorquant que ce chiffre serait en réalité de 32%.

Nous avons interrogé l'Insee pour vérifier les dires du candidat. Sur le site de l'organisme, le taux d'inactivité des immigrés était en 2020 de 31,9% parmi les personnes âgées de 15 à 64 ans en âge de travailler, contre 28,6% pour les non-immigrés. L'Insee renvoie vers Eurostat pour trouver un chiffre relatif à la situation des étrangers extra-communautaires. Leur taux d'inactivité était de 38,1% en 2020, contre 28,5% pour les personnes de nationalité française. 

Mais cette définition n'est pas forcément la plus représentative car elle englobe les personnes en incapacité de travailler et celles qui poursuivent leurs études ou sont en formation. Comme l'a précisé à plusieurs reprises son équipe sur les réseaux sociaux, le candidat lui préfère donc la notion de taux de non-emploi qui fournit un meilleur indicateur de la population en âge et en capacité de travailler. Toujours selon l'Insee, le taux d'emploi des étrangers extra-européens était de 50,6% en 2020, contre 66,1% à la population française, soit un taux de non-emploi de 49,4% toujours légèrement inférieur mais néanmoins plus proche de la proportion évoquée par le candidat ce lundi matin. 

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