ÉDITO - Restaurants routiers : "C'est un comble, ces restos ont un avenir... sans les chauffeurs routiers", regrette Isabelle Saporta

Le nombre de restaurants routiers a été divisé par dix en 60 ans. Cela fait 12 ans qu'un restaurateur a ouvert son établissement au bord de la nationale 6. Depuis 2013, son chiffre d’affaires a chuté d’un quart. De 80 couverts, il est passé à 50 ; de trois employés, à une seule. Et il tire le diable par la queue. Quant à cette restauratrice, dont l’établissement tourne pourtant bien, elle a cherché pendant 10 ans un repreneur, en vain. Elle vient donc de se résoudre à vendre à une entreprise de pompes funèbres.

Tous ces restaurateurs sont persuadés que c’est de la faute de cette fichue Union européenne et des chauffeurs étrangers. Avec l’élargissement à l’Est, les entreprises françaises ont en effet perdu des parts de marché conséquentes au profit des Roumains, des Polonais, des Lituaniens. Or ces chauffeurs ne gagnent pas assez pour s’arrêter dans des restos routiers.

Mais la vérité c’est que même les chauffeurs français, pourtant bien mieux lotis, ne s’y arrêtent plus non plus dans ces routiers. Ils préfèrent économiser les quasi 70 euros par jour de forfait pour couvrir la nuitée et les deux repas, et se cuisiner un petit frichti dans leur camion désormais équipé de tout le confort moderne.

Des restaurants routiers en centre-ville

Puis les restos routiers, encore faut-il y accéder. Les camions, on ne veut plus les voir ni dans les centres villes, ni sur les nationales. Ils sont désormais relégués sur les autoroutes. Et il n’y a pas de routiers sur les autoroutes, seulement des chaînes de restos sans âme.
 
Le comble, c'est que les restos routiers ont un avenir sans les chauffeurs routiers. Ces restaurants fleurent bon la nostalgie avec leurs nappes à carreaux, leur comptoir en zinc, leur entrée plat dessert roboratifs pour pas cher. Du coup, les restos routiers ont quitté les nationales où ils accueillaient les chauffeurs, et commencent à fleurir dans les centres villes, pour y accueillir les bobos en quête d’authenticité. L’esprit du routier, mais sans les routiers.