ÉDITO - Enseignant tué à Arras : "Chaque professeur se sent en danger", alerte Alba Ventura

Pour Alba Ventura, "on ne mesure pas bien la perturbation, le traumatisme" des enseignants après l'assassinat de Dominique Bernard par un élève radicalisé à Arras.

Des gens venus déposer des fleurs place des héros à Arras

Crédit : Antoine Decarne

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Lundi 16 octobre était consacré au recueillement dans les établissements scolaires pour faire bloc face au terrorisme qui frappe l’école, trois jours après l'assassinat de l'enseignant Dominique Bernard à Arras. C’était absolument nécessaire, il y avait comme une urgence à se retrouver, à parler.

J’ai reçu un mail du proviseur de l’établissement dans lequel mon fils est scolarisé, un petit collège paisible, à la campagne. C'était une lettre ouverte des professeurs, et de toute l’équipe éducative, pour les parents. Ils l'ont rédigée après avoir vidé leurs sacs, après s'être consolés, après avoir relevé la tête. Je voulais partager quelques extraits de cette lettre.

"Le choc, la tristesse, l’effroi, et la colère qui monte et qui prend le dessus. Les émotions sont nombreuses et trop fortes ce matin pour accompagner nos élèves et leur expliquer l’inexplicable, mettre des mots sur l’indicible. Il nous faut du temps pour digérer ce nouvel événement tragique, pour retrouver l’envie et la force de transmettre. Comment continuer, tous ensemble, à porter au quotidien les valeurs de la République lorsque nous nous sentons affaiblis dans l’exercice de notre métier ? Comment enseigner sereinement, comment rassurer si nous avons peur pour nos enfants et pour nous ?

Cette lettre montre un choc bien plus profond qu’on ne l’imaginait. Évidemment deux heures ce n’était pas suffisant pour "digérer". Il y a trois ans, lorsque Samuel Paty a été assassiné, les professeurs n’avaient pas eu ce moment entre eux et on se rend compte que l’on est sans doute passé un peu vite sur ce qu’ils ressentaient.

Protéger l'école, c'est protéger les profs

On a tendance, la plupart du temps, à résumer le corps enseignant à des intérêts catégoriels, à leurs absences ou au niveau de français et de maths en baisse. Être professeur, c'est plus que ça, c’est un engagement. Ce n’est pas un métier comme un autre. On ne mesure pas bien la perturbation, le traumatisme, chacun d’entre eux se sent en danger.

Le danger va bien au-delà de montrer des caricatures de Mahomet ou de faire des cours sur la laïcité. Le danger est là, parce qu’ils sont professeurs. Pour les protéger, le sujet des portiques est revenu. Laurent Wauquiez en fait un sujet politique, lui qui, dans sa région Auvergne Rhône-Alpes, en a installé dans tous les lycées.

Monter le niveau de sécurité n’est pas suffisant, protéger l’école, c’est protéger les profs, les chefs d’établissements qui sont aux avant-postes, et qui voient certains élèves se radicaliser. C’est ne plus rien laisser passer, ne plus rien tolérer : ni ceux qui ne respectent pas la minute de silence, ni ceux qui se permettent d’invoquer leur Dieu, ni ceux qui perturbent les cours qui seraient contraires à leur religion. Protéger l’école, c’est réaffirmer les principes d’autorité, de respect, de laïcité.

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