Charles, c'est la monarchie, c'est l'héritier d'Elisabeth II. Et depuis la Reine Victoria, c'est comme ça, on reçoit à Versailles avec tout le tralala. C'est vrai, que l'on est dans l'opulence, et nul doute que certains vont se régaler en découvrant le menu, forcément luxueux, qui sera servi au roi et à la reine. Oui, il y a un risque de renvoyer l'image de deux monarques déconnectés de la réalité, en cette période où les Français se serrent la ceinture. Mais il en va ainsi des relations avec l'Angleterre.
La France a, en plus, à cœur de montrer à Charles qu'elle est à la hauteur, surtout après avoir annulé la première visite en raison des manifestations contre la réforme des retraites. Vous remarquerez d'ailleurs que la Garde républicaine est ce qu'il y a de plus proche des Horse Guards, Versailles est ce qu'il y a de plus proche de Buckingham Palace. C'est l'éternel match entre la France et l'Angleterre, on le joue à chaque fois. Ces réceptions font partie de la tradition.
Ce qui est "too much", ce n'est pas que tous les cinq ans, on réquisitionne Versailles et on déroule le tapis rouge, surtout que Versailles c'est aussi le patrimoine, le rayonnement de la France. Ce qui est too much, c'est l'apparat du pouvoir présidentiel, et même au-delà, ministériel. Nous manquons singulièrement de simplicité. Nous ne sommes pas des Anglais, nous n'avons plus de roi nous. Mais c'est fascinant de voir que même les plus républicains de nos gouvernants finissent par se prendre au jeu quand ils arrivent au sommet. L'huissier, avec son collier, qui annonce, en hurlant, l'arrivée de "Monsieur le président de la République", c'est quand même assez anachronique. Ça fait partie du décor, mais ça ne choque personne.
J'aime bien l'idée de la République avec moins d'apparats dans le protocole, un peu à la scandinave, où les ministres se déplacent à vélo, en attendant leur tour au restaurant. Je ne suis pas en train de dire qu'il faut loger le président dans un HLM, je ne suis pas en train de dire qu'il faut des ministres en short, avec des chemises froissées. Mais quelque chose d'un point peu moins aristocratique, plus démocratique, plus de simplicité et moins de dorures, de la dignité, mais quelque chose de plus moderne, ou qui parait accessible.