Rudi Garcia : un miracle à la cour romaine
PORTRAIT - L'ancien entraîneur de Lille a convaincu depuis bien longtemps à la Roma, qui envisage de lui faire confiance pendant 20 ans. Portrait du technicien français le plus en vogue sur la scène européenne.
Il est le premier entraîneur français de l'histoire à exercer en première division italienne, où la fierté nationale exacerbée et l'immense qualité des techniciens transalpins s'additionnent et expliquent le corporatisme ambiant. Pour s'imposer dans le Calcio, Rudi Garcia n'a pas cassé les murs. Il est arrivé en douceur et a laissé éclater tout son talent aux yeux de la ville éternelle, qui lui témoigne aujourd'hui une gratitude sans pareille.
Après une saison où la Roma, perdue depuis des années dans les méandres de son passé, a contesté la suprématie de la Juventus Turin, Rudi Garcia s'est élevé au rang de messie. Un rôle qui lui va comme un gant, dès lors qu'il l'exerce sur le bord des terrains et loin d'un tumulte médiatique qu'il fuit la plupart du temps.
Symbole d'une gigantesque cote de popularité, le président du club romain James Pallotta a même confié son désir de le voir rester pour de nombreuses années : "Il sera notre Alex Ferguson. Nous cherchons à construire ensemble un plan sur 20 ans". Vingt ans, soit le nombre d'années depuis lequel le Français exerce sur les bancs.
Une ascension fulgurante
La carrière d'entraîneur de Rudi Garcia débute en 1995, en Île-de-France, à Corbeil-Essonnes, là où son histoire d'amour avec le football a commencé. C'est dans son tout premier club que le natif de Seine-et-Marne exerce pour la première fois en tant qu'entraîneur, avant de gravir les échelons et de devenir adjoint de Robert Nouzaret à Saint-Étienne puis de prendre les rênes de l'équipe en duo avec Jean-Guy Wallemme.
Quelques mois plus tard, en 2001, il obtient son diplôme d'entraîneur professionnel et s'engage à Dijon, qu'il hisse jusqu'en Ligue 2. Après 5 années passées en Bourgogne, Rudi Garcia rejoint Le Mans, où son nom commence à résonner parmi les promesses françaises.
Son unique saison au Mans lui ouvre les portes du Losc, où il brille et obtient ses deux premiers titres majeurs. En 2013, ses qualités humaines et professionnelles sont reconnues de l'autre côté des Alpes, où il est appelé pour faire renaître la Roma de ses cendres.
Du cœur et de l'esprit
Champion de France et vainqueur de la Coupe de France en 2011, Rudi Garcia poursuit son ascension de manière exponentielle, à travers les louanges qui ne concernent pas uniquement sa vision du jeu. Original et téméraire, son amour du beau jeu donne un souffle nouveau au football français trop étriqué dans son habit défensif, austère et rugueux.
À l'image du joueur qu'il était, fin dans la passe et briseur de lignes, l'ancien dogue insuffle à son équipe un jeu agréable, ouvert et constamment porté vers l'avant, à tel point que le Losc est comparé au Barcelone du grand Pep Guardiola. La comparaison avec l'ancien coach blaugrana ne s'arrête d'ailleurs pas là.
Rudi Garcia est comme un père pour moi
Gervinho, international ivoirien de la Roma
Réputé proche de ses joueurs, Garcia fonctionne sur le même mode que Guardiola. Pour preuve, ses protégés l'ont souvent suivi avec une confiance aveugle, comme Gervinho, rencontré au Mans, perfectionné à Lille et porté à maturité à la Roma.
L'international ivoirien, qui brille autant que son entraîneur en Italie, ne s'y trompait pas au mois de septembre dernier au moment de lui rendre un poignant hommage : Rudi, je le connais depuis longtemps c’est vrai. C’est comme un père pour moi (...) Il me connaît par cœur."
Maçon de la jeunesse
Stoppé dans sa carrière de joueur à seulement 28 ans, Rudi Garcia passe très vite "de l'autre côté". Rapidement titulaire d'une licence universitaire en sciences et techniques des activités physiques et sportives, ce passionné du ballon obtient un certificat pour diriger un centre de formation. Une affinité avec les jeunes joueurs qu'il cultivera tout au long de sa carrière.
En 2008, Rudi Garcia lance un certain Eden Hazard dans le grand bain de la Ligue 1. Titulaire indiscutable sous sa houlette, l'international belge progresse à vue d’œil jusqu'en 2012, avant de s'envoler pour Chelsea où il est d'emblée reconnu comme l'un de meilleurs joueurs à son poste.
À Rome, Rudi Garcia retrouve Miralem Pjanic (qu'il avait connu en France lorsque le Bosnien évoluait à Lyon) et semble prendre goût à répéter l'histoire. Face au talent d'un joueur qui lui rappelle certainement Hazard et ses propres aspirations, le Français procède de la même manière, instaure une relation de confiance, lui donne les clés du jeu et le porte au plus haut niveau.
Très convoité par les gros morceaux européens, le joueur de 24 ans reste au côté de Garcia, comme Hazard l'avait fait en 2011, et se révèle être encore plus fort.
Un caractère très romain
Pour s'imposer en Italie, et de surcroît dans un club aussi compliqué que la Roma de Francesco Totti, Rudi Garcia a forcément un talent d'artiste. Celui d'un musicien peut-être. Alors que sa Louve s'est inclinée la semaine passée face à la Juventus dans un match plein d'entrain, de rebondissement et de caractère, Rudi Garcia a montré qu'il n'était pas personne à se laisser faire. Parfois contestataire, le technicien de 50 ans n'hésite pas à imager ses propos. Une partition qui lui aura coûté une exclusion et 5.000 euros d'amende.
Peu importe. Les Tiffosi de la Roma ne lui en tiendront pas rigueur. Sous ses ordres, les Giallorossi ont retrouvé des couleurs et sont à nouveau craints en Italie et en Europe. Deuxième du championnat avec une seule défaite en 6 matches, la Roma joue aussi crânement sa chance en Ligue des champions, où Manchester City a bien compris à quel point il serait difficile de l'entraver en vue de la qualification.
Dans une dizaine de jours, Rudi Garcia et la Roma se mesureront d'ailleurs au Bayern Munich de Pep Guardiola, histoire de vérifier où se situe aujourd'hui l'élève par rapport au maître. Quoi qu'il en soit, en France, d'où la confrontation sera regardée avec beaucoup d'intérêt, son départ a bien des raisons d'être regretté.
