Tournoi des 6 Nations : la France a-t-elle une chance, même sans Antoine Dupont ?

Moins de trois mois après la Coupe du Monde de rugby, qui a vu le sacre de l'Afrique du Sud et surtout la sortie prématurée du XV de France en quart de finale, revoilà Fabien Galthié et sa bande pour l'illustre Tournoi des 6 Nations, pour un premier match face à l'Irlande vendredi 2 février. 

Et chaque hiver, en cette période, le fan de rugby français n'est que joie et espoir de voir ses Bleus défier des ennemis séculaires, en espérant trinquer (avec modération) à la défaite des Anglais et des autres équipes venues des îles britanniques. Alors, le XV de France sera-t-il à la hauteur des attentes, lui qui porte seul l'honneur des latins (les Italiens étant à mille lieues d'être réellement menaçants) ? 

Ne ménageons pas un suspense inutile : oui, les Bleus peuvent rafler le tournoi de cette année, et avec une année où la France reçoit l'Irlande et l'Angleterre, le calendrier paraît bien favorable. Mais, car il y a un "mais", entre la défaite forcément un peu traumatisante et l'immense déception d'avoir raté le coche à domicile pour un premier titre mondial, et l'absence de certains cadres, Fabien Galthié et les siens pourraient avoir moins de marge de manœuvre. 

Commençons par l'absence du meilleur joueur du monde 2023, Antoine Dupont, qui connaîtra une saison sans sélection du fait de son choix de participer au JO de Paris, avec l'équipe de France de rugby à VII. Si le demi de mêlée joue avec le Stade toulousain en ce moment, et devrait être disponible pour les grosses échéances du printemps, il devra participer à des tournées avec le rugby à VII.

Une deuxième ligne en chantier, avec des absents de poids

En son absence, Maxime Lucu avait déjà assuré l'intérim lors du Mondial, alors que le titulaire était blessé. Excellent joueur, métronome avec l'Union Bordeaux-Bègles, est-il pour autant de la trempe de celui qui est capable de dominer un match et d'en faire changer le cours ? Peut-être pas, car Antoine Dupont est unique. Fabien Galthié va donc devoir jouer différemment, sans les jaillissements et les percées de son capitaine.

Il y aura ainsi beaucoup de pression sur Lucu, mais aussi sur Mathieu Jalibert, remplaçant de Romain Ntamack blessé. Le duo bordelais à l'ouverture est pétri de talent, mais n'a encore pas prouvé en club et en sélection sa capacité à gagner des titres. 

Devant, Fabien Galthié doit aussi faire avec des absences de poids, au propre comme au figuré. Si la première ligne est d'un top niveau mondial avec Baille-Mauvaka-Atonio, la deuxième ligne devra encore attendre l'arrivée d'Emmanuel Meafu. Le Toulousain, fraîchement éligible à une sélection en bleu, est blessé. Il devait amener ce que la France n'avait pas au Mondial : du poids, de la mobilité et du jeu à la main. De quoi rivaliser avec les tonnages irlandais et leur puissance dévastatrice. 

Thibaud Flament, titulaire en Coupe du Monde avec Cameron Woki, est blessé, son binôme est lui laissé sur le banc. Fabien Galthié a préféré rappeler et lancer face à l'Irlande Paul Gabrillagues, absent depuis 2019, et Paul Willemse, un de ses tauliers, blessé pour la Coupe du Monde. Notons que le second est arrivé dans le groupe en remplacement de Meafu, mais se retrouve titulaire face à l'Irlande, du fait de son profil puissant. En "finisher", à la suite du forfait de Romain Taofifenua, le sélectionneur donnera sa chance à Posolo Tuilagi. Le jeune Perpignanais explose cette saison avec un physique de golgoth (1m92, 147 kg), et une habileté qui le rend opérationnel sur les deuxième et troisième ligne. Mais là encore, son expérience au haut niveau est inexistante. 

Autre chantier partiel, celui de la troisième ligne, où la blessure au genou d'Anthony Jelonch est un gros coup dur. Immense durant le Mondial, parmi les top joueurs mondiaux à son poste, le Toulousain est certes remplacé par un très bon François Cros (Toulouse), mais le coup est dur et ça affecte forcément la profondeur de banc. Paul Boudehent, seul troisième ligne de métier contre l'Irlande, assurera les arrières des titulaires, Cameron Woki étant capable de venir filer un coup de main également avec Posolo Tuilagi. 

Des incertitudes logiques, et des tauliers attendus

Sur la ligne de trois quarts, il n'y a dans l'absolu pas de grand changement. Le choix de Moefana à l'aile, à la place de Bielle-Biarrey, est stratégique. Fabien Galtié assume de faire le choix de "l'intensité combattue" à la place de "l'intensité courue", du fait de l'agressivité nécessaire dans les regroupements face aux maîtres irlandais en la matière. 


Attention néanmoins au centre du terrain. Si Jonathan Danty reste capable de venir détruire les lignes adverses, Gaël Fickou sort d'une année moyenne, et n'a sans doute tenu que par le crédit qu'il possède encore (et c'est bien normal). Capitaine de la défense au QI rugby certain, Fabien Galthié lui donne encore une chance, et paie pour voir si l'un de ses hommes de base est revenu physiquement en forme. Le centre de 29 ans a sans doute encore des choses à donner à très haut niveau. 


Vous l'aurez compris, si cette équipe est capable de rivaliser avec n'importe quelle armada du rugby planétaire, elle a beaucoup plus d'inconnus qu'il y a 4 ou 5 mois. Et c'est bien logique, le XV de France ayant entamé un nouveau cycle vers la prochaine Coupe du Monde en 2027, et le choix d'Antoine Dupont ayant un impact non négligeable sur l'équipe. 

Le style en "dépossession" va-t-il être maintenu ? Les nouveaux seront-ils directement à la hauteur ? Ceux qui n'ont jamais gagné en tant que titulaires sauront-ils le faire ? Et surtout, au moment où il faudra gérer une fin de match au couteau, cette équipe aura-t-elle appris de son échec face aux Springboks ? 

Le fait de démarrer directement face aux Irlandais, même privés de Sexton parti à la retraite, de Mack Hansen et Dave Kilcoyne blessés, fera office de révélateur des vertus de combat dans l'intensité de ce groupe. D'autant que ce sera peut-être le plus gros écueil de ses Bleus, qui n'auront pas à aller défier les Anglais à Twickenham cette année. Et quoi qu'il arrive, quels que soient les résultats du XV de France, une seule certitude demeure : on entre dans la plus belle période de l'année pour un fan de rugby. 

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