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Taylor Swift en concert à Miami Gardens le 18 octobre 2024
Crédit : CHANDAN KHANNA / AFP
Chacune de ses annonces est un séisme médiatique. Dans la nuit du 11 au 12 août, Taylor Swift secoue Internet en dévoilant la sortie prochaine d'un album, dans le podcast de son compagnon Travis Kelce. Quelques jours plus tard, elle annonce sur Instagram son mariage à venir. La publication devient rapidement l'une des plus "likées" du réseau social. L'influence de la star américaine, sur ses fans et au-delà, n'est plus à démontrer.
L'usage qu'elle en fait, en revanche, semble loin d'être définitivement établi. Ce n'est qu'en 2018, douze ans après la sortie de son premier album, que Taylor Swift a levé le secret sur ses opinions politiques. D'abord sur Instagram, où elle affirme que son vote aux sénatoriales dans l'État du Tennessee ira au candidat démocrate.
Une manière de faire taire les spéculations farfelues qui faisait d'elle une icône de l'extrême droite américaine. Son silence peut alors passer pour un soutien tacite aux républicains, dans une Amérique dominée par Donald Trump. Ses débuts dans la country, ses origines aisées ou encore son éducation chrétienne étaient considérés comme autant d'indices par certains pour lui attribuer des opinions conservatrices.
"Comme elle n'était pas expressément démocrate, on pouvait imaginer par déduction, mais c'était un peu tiré par les cheveux, que c'était probablement une républicaine honteuse et donc elle était de leur côté probablement", développe Lauric Henneton, directeur du Département des langues de l'Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines, spécialiste des États-Unis, dans Qui est vraiment Taylor Swift ?, le podcast inédit de RTL.
Pourquoi, alors, ne pas couper court plus tôt à ces spéculations ? De l'avis des spécialistes de Taylor Swif, sa longue période de discrétion, en particulier lors de l'élection présidentielle de 2016, s'explique surtout pas un souci de consensualité. "Il n'y a pas de forme d'engagement dans ses premiers albums", estime Charles Decant, auteur du livre Swiftology aux éditions Le Duc. "Elle a peur de prendre la parole. Son but numéro 1, c'est d'être aimé. C'est d'être aimé le plus largement possible."
"Taylor Swift n'était pas encore à un niveau intergalactique", ajoute Lauric Henneton. "Elle avait peur en tant que jeune artiste de compromettre sa carrière, de braquer et donc de perdre la moitié de son public en prenant position pour les démocrates." Mais selon le spécialiste, elle a "beaucoup regretté ce silence prudent de 2016", année qui a vu Donald Trump l'emporter dans la course à la Maison-Blanche.
C'est aussi ce qui ressort de Miss Americana, un documentaire sorti en 2020, consacré à Taylor Swift et à son cheminement pour sortir de ce silence. On peut y entendre la pop star affirmer qu'elle a atteint un stade où elle ne peut plus entendre "reste en dehors de ça", c'est-à-dire, de la politique.
En 2020 et 2024, les réseaux sociaux sont ainsi le moyen d'afficher son vote pour les démocrates Joe Biden et Kamala Harris. Mais Taylor Swift ne fait pas passer de consigne de vote, elle se contente d'inviter celles et ceux qui la lisent à s'informer et à s'inscrire sur les listes électorales. "L'effet Swift" sur les inscriptions est observable. Dans les urnes, nettement moins : Donald Trump rafle tous les États-clés.
Certes, Taylor Swift n'est plus mutique, mais elle n'est pas pour autant bruyante. Dans ses chansons, difficile de déceler des traces de texte engagés, même après 2018. L'interprète de All too well écrit d'abord et surtout sur elle-même - chaque album est surtout son "journal intime pour une période précise", comme elle l'expliquait à Georges Lang sur RTL en 2009. Exception faite de Miss Americana & the Heartbreak Prince, "une métaphore sur le système bipartite américain où elle critique les républicains", ou You Need to Calm Down, "un message pour la communauté LGBTQIA+", analyse Charles Decant, qui a décortiqué les textes de Swift pour son livre.
"Taylor Swift sur l'échelle médiatique, si on prend avec les chanteurs, les musiciens, y compris les acteurs, elle est quand même très prudente et très réservée", tranche Lauric Henneton. "Elle a pris position, il y a pas eu d'effet massif. Ses prises de position sont assez peu nombreuses. On ne peut pas vraiment dire que c'est une pasionaria, elle n'est pas toujours en train de faire campagne, elle n'est pas aussi investie que d'autres." Le spécialiste rappelle toutefois que Bruce Springsteen, modèle d'artiste américain "engagé", avait plus de 50 ans quand il commencé à s'impliquer dans les présidentielles américaines.
"Je pense qu'elle se dit aussi que ça fait tellement de bruit quand elle dit quelque chose, qu'elle réserve peut-être sa parole", observe Charles Decant. "Elle est engagée avec parcimonie. Elle a pas du tout parlé de Gaza, elle n'a pas du tout parlé d'Israël ". La communauté de Swift, les Swifties, l'a d'ailleurs exhorté à prendre position sur la guerre à Gaza sous le hashtag #SwiftiesForPalestine.
Taylor Swift serait-elle désormais trop célèbre, trop populaire pour prendre la parole ? Pour Loïc Dumoulin Richet, créateur du podcast CD2Titres, l'argument n'est pas vraiment recevable : "Madonna, quand elle était au sommet, elle avait le même niveau de succès qu'une Taylor Swift. Et elle n'a pas hésité à prendre fait et cause contre le sida à une époque où c'était très compliqué de le faire pour une star."
"De nos jours on demande beaucoup plus de comptes à des célébrités sur leurs engagements qu'aux personnalités politiques qui votent telle ou telle loi" remarque Morgane Giuliani. La journaliste, qui a publié Taylor Swift aux éditions Le mot et le reste cette année, anime également des conférences sur l'engagement féministe des pop stars.
Taylor Swift se présente comme "féministe" depuis 2014. "On est dans une époque où il faut que le féminisme des célébrités et les engagements soient très performatifs, il faut qu'ils soient absolument les plus visibles possibles, note-t-elle. "Comme si finalement il fallait que les célébrités montrent patte blanche et prouvent encore et encore qu'elles sont bien engagées et sensibles à des sujets de société."
Si Morgane Giuliani reconnaît que Taylor Swift est "discrète" sur ces engagements, "à partir du moment où elle prend position publiquement d'une manière ou d'une autre sur un sujet qui concerne les femmes, ou des des minorités discriminées, on peut considérer que c'est une artiste engagée", estime la journaliste. Elle cite en exemple le tweet de Taylor Swift dans lequel elle se disait "absolument terrifiée" après le renversement par la Cour suprême américaine de l'arrêt Roe vs. Wade, qui protégeait le droit à l'avortement au niveau fédéral.
En réaction à la même décision de justice, Olivia Rodrigo, autre star de la pop, dédiait son duo avec Lily Allen sur Fuck You aux juges de la Cour suprême, en plein festival de Glastonbury. Difficile à ce stade d'imaginer Taylor Swift, qui a longtemps tout misé sur une image lisse et sage, faire la même chose.
Écoutez notre podcast inédit Qui est vraiment Taylor Swift ? pour tout savoir de celle dont vous avez forcément entendu parler, sans forcément comprendre son succès. Cinq épisodes en compagnie de spécialistes de la chanteuse, des États-Unis, et de l'industrie musicale pour découvrir la femme derrière le phénomène.
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