Orthographe : faut-il écrire "je les ai vu" ou "je les ai vuS" se disputer au participe passé ?

Une question pas évidente, ce matin, amis des mots, j’espère vous avez eu le temps de boire votre café. Voici le message que j’ai reçu de Michel sur Facebook : “Chère Muriel Gilbert. Vous aimez les questions ? J'en ai une : Je lis dans Le Buveur de temps, de Philippe Delerm : ‘On ne les a jamais vus se disputer’. [Vus étant écrit VUS] Est-ce que la règle disant que le participe passé précédant un verbe à l'infinitif ne s'accorde pas ne s'applique pas ici ? Merci d'avance pour votre réponse...”.

Remerciée d’avance, me voilà obligée de répondre… et je le fais avec joie. D’autant plus que j’ai reçu sur Instagram une question de Laurence qui porte sur le même cas. Elle se demande “comment accorder le participe passé de voir dans l’exemple ‘si vous ne les avez encore jamais vu/es jouer’, et elle précise fort utilement qu’il s’agit de basketteuses. “Utilement”, non parce que s’il s’agissait de footballeuses ça s’accorderait différemment, mais s’il s’agissait de basketteurs, là, ça changerait tout.

Je les ai entendu frapper ? Ou entenduS ?

Cher Michel, chère Laurence, la règle est la suivante : le participe passé suivi de l’infinitif s’accorde avec le complément d’objet direct (COD de son petit nom) s’il est placé avant lui, et si ce COD fait l’action exprimée par l’infinitif. En revanche, le participe passé reste invariable si le COD subit l’action du verbe à l’infinitif.

Dans les deux cas dont on vient de parler “On ne les a jamais vu/s se disputer” et “Si vous ne les avez encore jamais vu/es jouer”, c’est “les”, le complément d’objet direct. Il est bien placé avant le participe et il accomplit l’action (se disputer ou jouer) donc on accorde vu (au féminin pluriel pour les basketteuses, vues, au masculin pluriel dans le livre de Delerm, vus). Si le COD était après le participe, on n’accorderait pas : “J’ai vu Machin et Machine se disputer” : vu.

Un exemple qui permette de constater la différence lorsque le COD subit l’action ? “Les visiteurs que j’ai entendu/s frapper”, tenez. Si ce sont eux qui frappent à la porte, comme c’est probable, on accorde : entenduS. Mais si par malheur, ces visiteurs reçoivent des gnons, si j’entends qu’on les frappe : ils subissent l’action cette fois, alors on n’accorde pas : Je les ai entendu frapper – entendu.

Pourquoi écrit-on "bonhomie" avec un seul "i" ?

La question du jour, c’est celle d’un autre Michel, de La Rochelle celui-là, tout surpris que bonhomie s’écrive avec un seul "m" alors que bonhomme, comme chacun sait, en prend deux. Ce mot est loin d’être le seul à ne pas se comporter comme ceux de sa famille. Citons au hasard donner avec deux "n" mais donateur et donation un seul "n", honneur avec deux "n" mais honorer et honorifique avec un seul.

Cher Michel, vous serez peut-être soulagé d’apprendre que les rectifications de l’orthographe de 1990 vous permettent désormais d’écrire bonhommie avec un ou deux "m", au choix. En orthographe traditionnelle on écrit aussi souffler, siffler et siffloter avec deux "f" mais boursoufler ou persifler avec un seul, combattre avec deux "t" mais combatif et combativité avec un seul, charrette avec deux R mais chariot avec un seul. Pour tous ces mots, depuis vingt-cinq ans quand même, on a le choix : on peut doubler la consonne… ou pas !

Les inscriptions pour "La Grande Dictée" samedi prochain sont ouvertes

Voilà pourquoi les consonnes doubles sont presque aussi redoutées que l’accord du participe passé dans les dictées. Et je vous invite, Michel et tous les amis des mots de La Rochelle à vous inscrire à la Grande Dictée que je propose samedi prochain, 6 décembre, à 14 heures, venez en famille, c’est au bénéfice du Téléthon, les places sont limitées, et comme toujours avec moi, on aura le droit de copier sur son voisin, bien sûr.

À lire aussi

orthographe

Langue française : pourquoi "beau" devient-il parfois "bel" ?