- 03m13s
3 min de lecture
Langue française : "canaille", "cynisme", "chenets"... quel point commun ? Le chien !
Le meilleur ami de l’homme influe sur son vocabulaire de manière inattendue, révèle Muriel Gilbert.
Image d'illustration
Crédit : 2photo-pots/unsplash
Une petite devinette, ce matin, amis des mots ? Canaille, chenet, chenille, canicule, cynisme : quel est le rapport entre ces mots ? Un vrai inventaire à la Prévert, n’est-ce pas… eh bien, ils ont tous la même origine étymologique : le chien !
La semaine passée, on a parlé des noms de races de chiens, mais cette peluche à quatre pattes est si présente dans la vie d’Homo sapiens et depuis tant de siècles qu’il a été jusqu’à envahir son parler… à commencer par les expressions : à la suite du Bonbon sur la langue de dimanche dernier, Philippe, de Brive-la-Gaillarde, en Corrèze, relevait en effet sur Facebook l’expression "avoir du chien", façon familière, remontant au XIXe siècle, de dire "être séduisant, attirant". À noter que la locution s’emploie quasi exclusivement au sujet d’une femme.
Il y a quantité d’autres expressions canines, et plutôt moins flatteuses, en général : une vie de chien, un temps de chien, "par allusion, explique le Dictionnaire historique de la langue française, aux mauvais traitements supportés par l’animal". Tout ce qui est "de chien”, en fait, comprend depuis le XVIe siècle "une idée de difficulté"… On peut avoir un caractère de chien, par exemple (sans vouloir dénoncer personne)… c’est comme un caractère de cochon, un tempérament difficile.
Mais il y a aussi du "chien" plus caché dans notre vocabulaire. Bernard, de Breux-Jouy, dans l’Essonne, me demande si le chiendent s’appelle ainsi parce que les chiens en mangent. C’est bien le cas ! Cette herbe les aiderait à se purger. Plus mystérieux, il y a les mots de ma petite devinette du début. Les chenets, qui permettent de surélever les bûches dans la cheminée, pour commencer. Un chenet, au XIIIe siècle, c’était un petit chien, comme un garçonnet est un petit garçon, un bâtonnet un petit bâton. Or, les chenets de la cheminée "figuraient à l’origine des chiens accroupis" (Dictionnaire historique de la langue française), eh oui.
La chenille, cette "petite chienne"
La canicule, elle, vient du latin canicula, "petite chienne". Le mot "s’est dit de la période de chaleur pendant laquelle l’étoile Sirius, l’étoile principale de la constellation du Grand Chien, se lève et se couche en même temps que le soleil". Et le cynisme ? Il vient du grec kunikos, "relatif aux chiens", qui qualifiait des philosophes de la Grèce antique, les cyniques, qui rejetaient les principes moraux. J’imagine que c’était une façon de les injurier, de les traiter de chiens.
Le mot canaille, lui, a été emprunté au XVe siècle à l’italien canaglia, désignant une troupe de chiens. Toujours une façon d’injurier ces pauvres bêtes. De manière encore plus inattendue, peut-être, la chenille descend également du canicula latin : c’est aussi une "petite chienne", sans doute parce que, pensent les linguistes, sa tête ressemble à celle d’un chiot. Bon. Admettons. Je dirais surtout qu’elle est aussi velue qu’un chiot, moi.
D’où vient le teckel ?
Quant à la question du jour, c'est une première, elle m'a été posée… par un chien ! C'est Jean-Luc, un être humain de Saint-Hilaire-de-Riez, en Vendée, qui se fait l’interprète de Scooby, teckel nain. Scooby se plaint que, dans le Bonbon sur la langue de la semaine dernière au sujet des races de chiens je n’aie pas expliqué d’où vient le teckel. Il existe environ 400 races canines répertoriées dans le monde, donc en effet, j’en ai sauté quelques-unes !
Le teckel, cher Scooby, est comme vous le savez un basset à poil ras et dur ou à poil long. Il est d’origine allemande, et le Dictionnaire historique de la langue française nous apprend que son nom dérive du mot dachshund, qui désigne en allemand un chien destiné à chasser le blaireau. Allez, au boulot Scooby ! Le blaireau n’attend pas.
