Orthographe : faut-il écrire "etc." ou "etc…" ?

Le Bonbon sur la "panacée universelle" a fait réagir les auditeurs de RTL, qui se sont lancés dans un concours du plus beau pléonasme, chacun m’envoyant ses préférés, un inventaire poétique qui part dans tous les sens, telle une collection de papillons multicolores.

Rappelons d’abord qu’un pléonasme, du grec pleonasmos, signifiant "excès, exagération", c’est une répétition de mots qui ont le même sens. Souvent, le pléonasme est considéré comme maladroit, comme dans les exemples dont nous parlions la semaine dernière, "descendre en bas", "monter en haut", ou dans “ils sont tous unanimes”, puisque l’unanimité, c’est forcément tout le monde. Donc on dit "ils sont unanimes" et ça suffit.

Mais il faut aussi rappeler que le pléonasme n’est pas un crime contre la langue française, que c’est également une figure de style, qui peut être employée à dessein. L’exemple que l’on donne souvent est "Je l’ai vu de mes propres yeux". Si on dit "Je l’ai vu", ça suffit, car avec quoi d’autre peut-on voir ? Si on ajoute "de mes yeux", et même, double pléonasme, "de mes propres yeux", c’est pour insister sur le fait que la chose soit incroyable, mais que pourtant il faut y croire.

De même, si vous me proposiez un petit café, j’applaudirais des deux mains… ce qui est, eh oui, un pléonasme, car comment applaudir avec une seule main ? Et pourtant, ici encore, le pléonasme est voulu, il sert à renforcer l’expression de mon enthousiasme.

Mais il y a des pléonasmes qu’on aurait intérêt à éviter… ceux qui sont jugés un peu lourdauds. Et il y en a. On évitera par exemple les affaires actuellement en cours (actuelles ou en cours suffira). Idem pour les cagnottes permettant de se cotiser à plusieurs (car qui se cotise seul ?), les monopoles exclusifs et autres unanimités totales, encore des pléonasmes. Autre exemple : l’entraide, c’est beau ; l’entraide mutuelle… c’est un pléonasme, eh oui.

Bip... sonore ?

De même, si l’on reporte un dîner ou un rendez-vous, ne le reportons pas "à plus tard". Qui voudrait reporter un rendez-vous à une date antérieure ? Et pourtant, on l’entend souvent ! Tenez, encore un qu’on entend sans cesse (c’est le cas de le dire) : le bip sonore. Vous avez déjà entendu un bip silencieux ? Pléonasme !

Quand deux personnes, ou deux objets, ou deux solutions sont complémentaires l’une de l’autre ? Pléonasme ! Si elles sont complémentaires, c’est forcément l’une de l’autre. Un de plus ? Je ne sais pas si vous vous êtes déjà lancé dans cette opération ambitieuse, amis des mots, qui consiste à vous faire construire une nouvelle maison. Bravo si vous ne l’avez pas fait, car vous auriez commis un pléonasme : si on fait construire une maison, elle est nouvelle, forcément, non ?

Ah, tenez, en voici un qui est plus discret : on parle souvent, en été (vivement qu’il revienne, celui-là !), de ciel constellé d’étoiles… Stella, c’est l’"étoile", en latin, donc un ciel constellé, c’est un ciel étoilé. Et re-donc, un ciel constellé d’étoiles, c’est un ciel… étoilé d’étoiles. Remarquez, c’est peut-être encore plus joli ! On peut juger que c’est poétique, mais c’est bel et bien un pléonasme de plus.

Bref, vous l’avez compris, amis des mots, notre langue quotidienne est constellée de pléonasmes. Faut-il s’en offusquer ? Sans doute pas ! Je continue ? Si je vous emmène avec moi, je commets encore un pléonasme, car il me suffit de vous emmener tout court…

Et tenez, pour terminer, un pléonasme que je traque impitoyablement dans les textes que je corrige : et cetera. D’abord, rappelons qu’on prononce bien eT cetera et non eK setera, comme on l’entend souvent. Mais ici le pléonasme se trouve à l’écrit. On écrit etc. Et non etc… Pourquoi ? Le point après etc symbolise l’abréviation d’une locution latine, et cetera desunt, qui signifie "et les autres choses manquent". Ajouter trois points après etc, c’est un pléonasme. Choisissez votre camp, amis des mots : mettez etc. ou des points de suspension, pas les deux !

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