Orthographe : faut-il écrire "des croque-messieurs" ou "des croque-monsieur" au pluriel ?

Les trucs de Muriel Gilbert sur le pluriel délicat des noms composés.

Un croque-madame

Crédit : adam-bartoszewicz/unsplash

Orthographe : des croque-messieurs ou des croque-monsieur ?

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J’ai reçu une question cruciale de Françoise, du Bouscat, près de Bordeaux. Françoise est peut-être à la tête d’un café-restaurant : elle a besoin de savoir comment on écrit "croque-monsieur" au pluriel. "Les correcteurs automatiques d’orthographe acceptent avec ou sans S, précise-t-elle, et en plus, le pluriel de monsieur étant messieurs…", elle se demande s’il ne faudrait pas écrire des croques-messieurs. Et des croques-mesdames avec un œuf ! Pourquoi pas ? Mais non.

La correctrice à deux pattes que je suis vous le certifie, chère Françoise : cette simplissime et délicieuse préparation, bref, un croque-monsieur, des croque-monsieur, c’est invariable. Idem pour la version madame de la chose. Pratique, non ? Enfin, oui et non : la preuve, c’est que Françoise se pose la question… Il y a quantité de noms invariables en français, mais il n’est pas toujours facile de savoir lesquels. Et en particulier quand il s’agit de noms composés, ceux qui s’écrivent avec des traits d’union, comme croque-monsieur et croque-madame (à noter que la réforme de l’orthographe de 1990 vous permet d’écrire ces mots sans trait d’union, croquemonsieur, croquemadame, et dans ce cas attention : ils prennent un S au pluriel !).

On peut aussi, précise mon Petit Robert, dans une version familière de la chose, commander un "croque", tout simplement. Là aussi, des croques, ça prend un S – des croques, hein, ne confondez pas avec les godasses moches qui s’écrivent avec un C comme plastoc.

Gaz, souris, noix... beaucoup de noms sont invariables

En fait, il y a beaucoup de noms communs invariables en français. Déjà tous ceux qui se terminent par des lettres que nous assimilons à un pluriel, comme le S, le X ou le Z. Le bras, la souris ou le pays, qui se terminent par un S, la perdrix ou la noix, qui se terminent par un X, le gaz ou le nez, qui se terminent par un Z ne changent pas au pluriel.

Mais ce sont surtout les noms composés, ceux donc qui comportent des traits d’union, qui peuvent être assez sorciers à accorder. La Banque de dépannage linguistique l’explique très précisément : "Sont traditionnellement invariables les noms composés formés : d’éléments toujours invariables (verbe, adverbe, préposition, nom propre) [des arrière-pays, des bernard-l’hermite : invariable]".

Idem pour les noms composés "d’éléments parfois invariables selon leur sens ou ce qui les précède, ou qui sont déjà au pluriel; ou d’éléments dont l’association exige l’invariabilité (comme les noms formés par exemple d’une phrase, d’une expression [des qu’en-dira-t-on, des haut-le-cœur, des hors-la-loi, c’est invariable]. Invariables encore, les noms composés d’onomatopées [des coin-coin, des cui-cui, des miam-miam, tout ça sans S], [ou encore ceux formés] d’éléments en latin" : les curriculum-vitae ne prennent pas de S, pas plus que les statu quo, ou les nota bene.

Et puis il y a des noms composés qui prennent un… ou deux S. Et là ça se complique. En gros, dans la plupart des cas, les verbes et les adverbes sont invariables (dans le chauffe-biberon, chauffe est un verbe, biberon est un nom, donc des chauffe-biberons c’est sans S à chauffe, mais un S à biberons). En revanche, les adjectifs se mettent au pluriel, de même que les noms : dans le coffre-fort, coffre est un nom, fort est un adjectif : des coffres-forts, c’est donc avec deux S. Une exception pour les noms : ils se mettent au pluriel, précise encore la Banque de dépannage linguistique, "seulement si l’idée de pluralité est possible".

C’est-à-dire ? Eh bien des timbres-poste, par exemple, ce sont des timbres émis par une institution, LA Poste, donc S à timbre, pas de S à poste. Idem pour des années-lumière : il s’agit de la distance parcourue en un certain nombre d’années par LA lumière, donc années au pluriel, lumière au singulier. Quoi qu’il en soit, moi, je ne suis pas à des années-lumière de craquer à midi pour un croque-monsieur ! Pas vous, amis des mots ?

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