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La pancarte des sirops à l'épicerie Salute ! de Villejuif.
Crédit : Muriel Gilbert
Amis des mots, je vais peut-être vous décevoir, mais la langue française n’est pas mon unique passion. J’aime presque autant, par exemple, la gastronomie italienne. Et c’est en entrant dans une délicieuse épicerie italienne où j’ai mes habitudes que j’ai été interpellée par le vendeur (coucou Lorenzo, coucou la boutique Salute de Villejuif !).
Le pauvre jeune homme était en train de s’arracher les cheveux orthographiques pour rédiger un petit panneau de promotion de ses nouveaux sirops de fruits. Il m’a confié l’objet de son hésitation : "Est-ce que sirop s’écrit bien avec un P à la fin… puisqu’on dit siroTer ?" Ces lettres muettes à la fin des mots sont une plaie, reconnaissons-le ! On dit toujours que, pour les deviner, il suffit de penser à d’autres mots de la même famille : grand donne grandir, donc on sait que grand se termine par un D, enfant donne enfantin, donc enfant se termine par un T…
Mais il y a quantité d’exemples qui ne suivent pas cette règle commode. C’est le cas de sirop, qui pourrait fort bien s’écrire avec un T, comme siroter. Mais regardez, le tabac, qui se finit par un C, devrait se ranger dans une tabaquière… et on dit une tabaTière !
Bon, j’ai rassuré Lorenzo sur l’orthographe de ses sirops, avec un P, histoire qu’il finisse son panonceau et qu’il encaisse mes emplettes, et, dès que je suis rentrée chez moi, tout en grignotant une part de focaccia encore tiède (miam !), je me suis jetée sur mes grimoires pour chercher l’origine de cette énième incongruité de notre orthographe.
"Pour retrouver la première trace des sirops, il faut remonter au temps des croisades au Moyen-Orient", nous apprend Wikipédia (vous constaterez que mes grimoires sont parfois électroniques !). "À l’époque, les croisés découvrent un breuvage appelé charâb, [qui veut dire] boisson en arabe [pardon pour mon accent arabe, j’ai fait anglais première langue]. Bref, [nos croisés] y prennent tellement goût qu'ils vont conserver le mot en le transformant à la mode occidentale. Charâb devient sirupus [en latin] puis sirop en français".
Au passage, vous aurez compris que le P final de sirop est une trace du sirupus latin. Mais figurez-vous que le verbe siroPer, certes rare, existe bien, c’est "prendre la consistance du sirop". On connaît aussi sirupeux, qui a gardé le P du sirop.
Fort bien… alors d’où vient le T de siroter ? Car c’est lui qui est bizarre, finalement ! Siroter, ce verbe familier, qui désigne le fait de boire à petites gorgées pour faire durer le plaisir, a été inventé au XVIIe siècle, tout simplement en croyant que sirop s’écrit… avec un T, comme c’est le cas de la plupart des noms en "o" : tricot donne tricoter, complot comploter, mégot mégoter… donc sirop siroter ! Bref, un mot né dans la rue, ou au bistrot, pas sous la plume d’un grammairien. Et une erreur de plus qui a trouvé sa place, tout à fait légitime, dans nos dictionnaires !
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