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Langue française : quelle est la différence entre "docteur" et "médecin" ?
La correctrice de RTL revient sur une subtilité de vocabulaire qui tend à nous échapper…
En ce moment, c'est le bon usage du vocabulaire qui semble préoccuper les amateurs de Bonbons sur la langue. À certaines époques, tout le monde semble transpirer sur les participes passés. Mais cette année, hiver rime avec vocabulaire. La semaine dernière, nous avons précisé, entre autres, qu’on mangeait bien des plaTées de riz (le contenu d’un plat) et non des plâtRées, même si le riz est parfois plâtreux. Mais là, c’est une histoire de cuisson...
Cette semaine, c’est Olivier qui se demande "Quelle est la différence d’utilisation entre les mots docteur et médecin ?" C’est vrai qu’on a tendance à utiliser l’un ou l’autre indifféremment, comme s’il s’agissait de synonymes. "J’ai mal partout, il faut que je prenne rendez-vous chez le docteur". "T’as raison, va voir le médecin".
Alors, qu’en est-il ? Et bien les deux mots ne sont pas synonymes, ou pas tout à fait. Alors pourquoi les confond-on ? Parce que oui, en effet, on peut-être les deux, à la fois docteur et médecin. Mais ce n’est pas forcément le cas. Médecine, qui a donné le médecin, vient bien du latin medicina, désignant l’art de guérir, le remède.
Docteur vient du latin doctor, "celui qui enseigne"
En revanche, à l’origine, le docteur, c’est le maître, celui qui est docte. Le mot vient du latin doctor, "celui qui enseigne" (docere, en latin, c’est enseigner). Dans les vieux textes chrétiens, le mot a pris le sens de "docteur de la loi, prêtre qui enseigne la religion". "Le mot a été introduit en Français (au XIIe siècle) pour désigner un savant, un érudit, et spécialement en religion", précise le Dictionnaire historique de la langue française.
Il passe dans le vocabulaire des titres universitaires dès le XIVe siècle. Et aujourd’hui, un docteur - ou une docteure, au féminin -, c’est toujours d’abord et avant tout une personne qui est titulaire d’un doctorat, le plus haut grade universitaire. On peut donc être docteur ès lettres, docteur ès sciences, comme on peut être docteur en droit ou docteur en médecine.
Pourquoi docteur "ès lettres" mais "en médecine" ?
Petite curiosité : pourquoi dis-je "ès sciences" mais "en médecine" ? Et bien parce que cette préposition, ès, signifie "en les" : docteur "en les" sciences, "en les" lettres. Bref, c’est un pluriel, et on ne peut l’employer qu’avant un pluriel. Une question que Charles Baudelaire, au passage, aurait dû se poser au moment où il a dédié son recueil "Les Fleurs du mal" à Théophile Gautier, l’auteur du "Capitaine Fracasse", en parlant de lui comme du "parfait magicien ès langue française".
La preuve en image de cette faute baudelairienne se trouve sur le site de la Bibliothèque nationale de France. Voilà une erreur qui a la gentillesse et le bon goût de permettre de relativiser bien des nôtres. Ouf, Baudelaire a fait rectifier la chose dans l’édition suivante en qualifiant Gautier de "parfait magicien ès lettres françaises". Les "lettres françaises", à la différence de la "langue française", ayant donc l’avantage d’être au pluriel.
Tous les médecins sont docteurs
Mais revenons à nos médecins. Un médecin est en France, en principe, titulaire d’un doctorat en médecine ; ce qui fait que tous les médecins sont docteurs (à quelques exceptions près, mais ne chipotons pas). En revanche, naturellement, l’inverse n’est pas vrai. Ce qui contribue à nous embrouiller encore entre docteur et médecin, c’est qu’on a coutume d’utiliser, dans le langage courant, ou même dans les courriers, le titre de docteur pour les docteurs en médecine, mais jamais pour les autres spécialités.
Vous prenez rendez-vous avec le docteur "Tartempion", un médecin spécialiste des genoux ou des arpions, mais votre avocat, par exemple, a beau être docteur en droit, personne, jamais, ne l’appelle docteur. C’est la raison pour laquelle le "Petit Larousse" comme le "Petit Robert" donnent tout de même cet autre sens pour docteur : "personne qui exerce la médecine ou la chirurgie", même si cet usage reste considéré comme plus familier, moins précis. À votre (bonne !) santé, amis des mots !
