Langue française : pourquoi dit-on un nez aquilin, bourbonien ou grec ?

Ce dimanche, amis des mots, nous parlons "nez" ! C’est un article du Monde qui m’en a donné l’idée, la nécrologie d’un comédien italien, Alvaro Vitali – à moi non plus, son nom ne disait rien. Il a joué dans plusieurs films de Fellini, mais surtout dans une tripotée de comédies pas toujours très haut de gamme. Mais là n’est pas la question…

L’article le décrit comme un "personnage enfantin et libidineux, petit (1,56 mètre) et laid, au nez bourbonien et aux yeux qui louchent, souffre-douleur systématique des autres protagonistes des films dans lesquels il apparaissait". Voilà qui ne donne guère envie de se pencher plus avant sur sa filmographie. En revanche, un "nez bourbonien", voilà qui a attiré mon attention.

Je me suis demandé comment c’était, exactement. Naturellement, l’adjectif bourbonien fait référence au nez caractéristique de cette grande famille de rois de France, les Bourbons – donc ce qui est chouette, si vous avez hérité de celui-là, c’est que vous avez un nez royal. C’est déjà ça parce que, par ailleurs, ce n’est pas franchement le nez le plus espéré par des parents qui mettent au monde un bébé tout neuf.

Regardez des portraits d’Henri IV, de Louis XIV ou de Louis XVI, et jugez-en par vous-même. Vous pouvez aussi taper "Alvaro Vitali" dans un moteur de recherche… C’est un appendice long et arqué… mais quand c’est bien porté, ça peut avoir sa majesté. Bref, c’est ainsi que je me suis retrouvée sur des sites de nez, souvent ceux de chirurgiens esthétiques. Et je me suis régalée ! Je n’aurais jamais cru qu’il existait autant de mots pour décrire un si petit machin.

 Bon, il y a des appellations qui parlent d’elles-mêmes, comme le "nez droit"... Il est droit, celui-là, c’est tout. On évoque aussi souvent le nez en trompette, celui dont le bout remonte, qu’on voit souvent chez les enfants et qu’on appelle aussi nez retroussé. C’est celui de Liz Taylor, par exemple. On parle parfois de nez aquilin. Aquilin dérive du latin aquilina, qui a donné le mot aigle en français moderne. Aquilin, c’est donc "qui ressemble à l’aigle", un nez aquilin étant aussi ce qu’on appelle un nez en bec d’aigle. Certains le qualifient de "nez romain", parce qu’il donne un air de puissance qui rappelle le profil des empereurs transalpins. La chose n’est pas très éloignée du nez que l’on qualifie de "busqué", qui est long également, mais avec une bosse au milieu.

Il y a le nez grec, aussi, très apprécié, celui-là. C’est celui des statues du Parthénon. Il est long et rectiligne. Au contraire, le nez camus est court, plat, avec une arête peu marquée. C’est sur l’adjectif camus qu’a été formé, au XVIIe siècle, le nom de la camarde, cette appellation métaphorique de la mort, "par allusion", explique le Dictionnaire historique de la langue française, "au squelette, dont le nez, réduit à une arête osseuse, semble aplati".

Comme le nez au milieu de la figure !

En fait, il y a des dizaines de formes de nez, chaque nez est unique, et toutes ces appellations ne sont pas ultraprécises. Simplement, elles témoignent de l’importance qu’accorde Homo sapiens à ce petit appendice qui lui permet de respirer (c’est quand même crucial pour notre survie), de sentir les bonnes et les mauvaises odeurs, et qui surtout se trouve au milieu de son visage.

Signe également de l’importance de notre nez, le nombre d’expressions dans lesquelles il apparaît. "Ça se voit comme le nez au milieu de la figure", dit-on quand quelque chose est évident. Si vous avez du nez, ça veut dire que vous avez du flair, de l’intuition. Quand on vous tire les vers du nez, on essaie de vous faire dire quelque chose que vous n’avez pas envie de révéler.

Si vous allez chez des copains, mais que vous vous cassez le nez, vous vous êtes déplacé pour rien. En revanche, si vous faites quelque chose les doigts dans le nez, c’est que pour vous, c’est du gâteau. Attention quand même à ce ne pas vous laisser mener par le bout du nez, mais surtout, ne laissez rien vous passer sous le nez, ce serait laisser échapper une occasion. Il y en a quantité d’autres, mais je ne voudrais pas que vous finissiez par piquer du nez, c’est-à-dire vous rendormir… Bel été, amis des mots, à vue de nez, on se retrouve à la fin du mois d’août !

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