Langue française : faut-il écrire "après qu'elle soit partie" ou "après qu’elle sera partie" ?

On va parler de temps, amis des mots. Ou plutôt de mode, en l’occurrence. Les temps, c’est présent, passé, futur ; les modes, c’est infinitif, indicatif, conditionnel, subjonctif, impératif… 

Connaissez-vous, amis des mots, cette chanson de Charles Trenet intitulée L’Âme des poètes ? "Longtemps, longtemps, longtemps après que les poètes ont disparu, leurs chansons courent encore dans les rues…"

Charles Trenet n'a pas fait de faute de mode dans sa chanson, mais quantité de gens le croient. Cette histoire de mode concerne la locution "après que", ou plus exactement le verbe qui la suit. "Après que" doit être suivi de l’indicatif, et non du subjonctif. C’est pour cela que Trenet a tout à fait raison de chanter "après que les poètes ONT disparu", et non AIENT disparu.

"Avant que", en revanche, est suivi du subjonctif. Voilà pourquoi on se trompe si souvent. Vous allez voir, au fond, c'est tout simple, il suffit de quelques exemples. 

On dit : "J’arriverai avant que le film ait commencé" mais "J’arriverai après que le film aura commencé". "Elle ne boit jamais son café avant qu’il ait refroidi" mais "Elle ne boit jamais son café après qu’il a refroidi".

Contourner l'obstacle

L’Académie française sur son site Internet, dans cette rubrique bien commode intitulée "Dire, ne pas dire", précise : "À la différence de ‘avant que', qui implique une notion d’éventualité, ‘après que’, marquant que l’on considère le fait comme accompli, introduit une subordonnée dont le verbe doit être mis à l’indicatif. Je rentrerai après que la nuit sera tombée. Il est parti après que nous l’avons tous salué."

Le subjonctif (avant que tu aies) est le mode de l’éventuel, de ce qui ne s’est pas encore produit, tandis que l’indicatif (après que tu as, ou après que tu auras) est considéré comme le mode du réel.

On peut trouver que ça sonne de manière surprenante ; à l’oral, en particulier.  À l’écrit, ça passe, mais à l'oral, la tournure est inusitée. Encore une fois, il n’est pas interdit d’être malin, et de contourner l’obstacle : c’est ce que l’on fait tous les jours de notre vie face à d’autres problèmes que ceux que nous pose la grammaire. 

Si vous ne voulez pas dire "Elle boit son café après qu’il a refroidi", si vraiment vous trouvez cet indicatif trop bizarre, la solution est simple : dites par exemple qu’elle le boit "après l’avoir laissé refroidir" ! En supprimant le que, vous supprimez la difficulté. Si dire “Je rentrerai après que la nuit sera tombée” vous défrise, dites simplement que vous rentrerez "après la tombée de la nuit" ! C’est tout aussi juste, il est même souvent considéré comme plus élégant d’éviter les que, et de les remplacer par des noms : la tombée de la nuit, le lever du jour…

Pour mémoriser cette drôle de règle de l’indicatif après "après que", rappelez-vous la chanson du grand Charles : "Longtemps, longtemps, longtemps après que les poètes ont disparu…"

Après que vous aurez assimilé cette règle, vous pourrez briller en société. Certes, avant que vous ayez convaincu vos amis que telle est bien la règle, il vous faudra peut-être un peu de patience – ou leur recommander d’écouter "Un bonbon sur la langue" sur RTL.fr !

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