Langue française : à la découverte des belgicismes

Ce dimanche, je répare une injustice ! À la demande de Frédo, de Namur, capitale de la Wallonie, fidèle auditeur belge qui m’écrit au sujet d’un récent Bonbon sur la langue consacré aux expressions désignant ce qu’on appelle élégamment les “trous du cul du monde”. Des mots du genre Pétaouchnok ou Trifouillis-les-Cactus. 

En Belgique, Pétaouchnok peut se dire "Houte-Si-Plou" (en trois mots), "un hameau existant bel et bien”, précise Frédo, dont le nom se traduit "en wallon de Liège par ‘écoute-s’il-pleut’", me dit-il. Et il enchaîne : "Récemment, vous avez proposé deux leçons concernant les différences entre le français de France et celui du Québec. Pourriez-vous aussi en proposer une sur les belgicismes ? Elle devrait durer plus de nonante secondes."

Bonne idée, ça ! "Nonante" au lieu de "quatre-vingt-dix", ça fait déjà un belgicisme ! Et septante pour soixante-dix aussi, bien sûr ! Et après tout, cinquante, soixante, septante, c’est clairement plus logique que cinquante, soixante, soixante-dix ! Je ne milite pas pour une réforme des nombres en français de France, j’adore les bizarreries de notre langue. Alors une de plus est toujours la bienvenue.

Non, c'est oui (parfois)

Et il y a quantité de délicieuses étrangetés en français de Belgique. Par exemple, me raconte Frédo, à Bruxelles, si deux amis boivent une pintje (prononcer pinntch) (une bière) dans un bistrot, vous risquez d’entendre : "T’en reprends une ? – Non, peut-être !" Eh bien, figurez-vous que ce 'Non peut-être’ se traduit en français de France par ‘oui bien sûr'.

Frédo me confie encore que, chez lui, quand il pleut fort, on dit qu’il drache, qu’on nettoie le sol avec un torchon (et non comme chez nous avec une serpillière), qu’on essuie la vaisselle avec un essuie-vaisselle, (et non avec un torchon), l’essuie servant aussi… à s’essuyer après la douche (quand chez nous, on utilise une serviette).

J’ai aussi découvert que, quand les Belges sont bleus de quelque chose, c’est qu’ils en sont fous ! Ici, tout le monde est bleu des petits plats de Jean-Sébastien, par exemple ! Un vantard un peu arrogant, à Bruxelles, se verra traiter de dikke nek, un gros cou ; nous, à l’autre extrémité du corps, on dirait plutôt qu’il a les chevilles qui enflent. Mais finalement, tout cela, c’est "chou vert et vert chou", comme on dit en Belgique pour dire que c’est "bonnet blanc et blanc bonnet".

Si vous partez en vacances bientôt, vous allez peut-être consulter les conditions de circulation routière, mais en Belgique, vous vous intéresserez au roulage. C’est tellement plus simple ! Et si vous roulez à tombeau ouvert, ou sur les chapeaux de roues, ce que je ne vous conseille pas, car vous risquez de vous faire passer un savon par la maréchaussée de chez nous, les Belges iront à volle pétrole, au risque de se faire passer un cigare par les pandores de chez eux.

D’ailleurs, ceux qui roulent trop vite n’ont pas la lumière à tous les étages, comme on dit chez nous, ou bien ils n’ont pas toutes les frites dans le même sachet, comme on préfère le dire au pays des frites. Quoi qu’il en soit, ne perdez pas vos tartines, comme on dit outre-Quiévrain quand chez nous on perd le nord ! À noter que le Petit Larousse 2026 entérine le belgicisme spépieux, un spépieux étant quelqu’un d’exagérément méticuleux… J’ai bien aimé aussi le verbe s’astruquer, qui veut dire “avaler de travers, s’étouffer en mangeant”: n’allez pas vous astruquer avec vos tartines, amis des mots.

Et notre Frédo de conclure gentiment son message par : "Si un jour, vous avez l'occasion de passer par Namur, n'hésitez pas à me contacter. C'est une extraordinaire petite ville pour un week-end de villégiature. Je vous donnerai mes meilleures adresses." Je parie que ça vous a donné envie d’aller faire un tour à Namur, amis des mots !

Personnellement, je ne peux répondre que : "Non, peut-être !"… C’est-à-dire "Oui, bien sûr !"

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