"Ils croivent", "ils voyent", "au jour d’aujourd’hui" : comment éviter les fautes

Je me suis bien amusée, cette semaine. Tout le mérite en revient à un certain Fussoir, qui publie des plaisanteries sur Facebook, que je reposte parfois sur mon propre compte quand elles concernent le français. 

Ces jours-ci, j’ai republié un graphique de sa composition en forme de camembert, intitulé "Les choses qui piquent les yeux". Avec une petite part de camembert pour le sable, le savon, le soleil… et une grosse part pour "ils croivent". Illico, les amis des mots se sont déchaînés sur ma page Facebook et mon Instagram MurielGilbert.com pour partager les fautes qui leur piquent les yeux.

Bien sûr, la langue est si complexe, les règles si pléthoriques et les exceptions si multiples qu’il est impossible de ne jamais commettre d’erreurs, surtout à l’oral. À l’écrit, on a plus de temps, et je suis un peu moins tolérante, j’avoue. Mais chaque Français a ses erreurs fétiches, ou plutôt ses erreurs détestées, celles qui lui hérissent le poil. Bref, si pour M. Fussoir c’est "ils croivent"… pour d’autres, c’est autre chose !

Commençons par Framboize et Christine, sur Facebook, allergiques à l’expression "au jour d’aujourd’hui", de même qu’Erik, sur Instagram, carrément furieux quand il l’entend : "Je peux tuer", précise-t-il. C’est vrai, il s’agit d’un pléonasme, d’autant plus que hui est déjà une ancienne version de "jour", ce qui fait que "au jour d’aujourd’hui" se traduit par "au jour du jour de ce jour". On prescrit quand même un bon bol de camomille à Erik, parce que bon, un pléonasme, même agaçant, ne justifie pas un homicide.

UNE espèce d'idiot !

Il y a Squirelle aussi, également sur Instagram, qui ne supporte plus d’entendre parler d’UN espèce de quelque chose. Elle a raison : espèce est féminin, on dit donc "UNE espèce de croissant, UNE espèce d’idiot" ; parler "d’UN espèce de croissant” est aussi baroque que de parler "d’UN sorte de croissant" – erreur que personne ne fait, allez savoir pourquoi. Maddalena, quant à elle, n’aime pas entendre "j’ai mal à MA tête" ("Comme si on pouvait avoir mal à la tête de quelqu’un d’autre !", dit-elle). C’est vrai, en français, on dit "j’ai mal à LA tête", "il a mal AU ventre", et non "j’ai mal à ma tête", "il a mal à son ventre".

Il y a encore Carole, dont la bête noire est "je sais pas c’est quoi", au lieu de "je ne sais pas ce que c’est", et Ange, qui s’énerve d’entendre de plus en plus souvent "Ma Elise, ma Angélique ! Mais enfin, dit-on ‘ma amie’ ? Les gens ne réfléchissent plus !" Rappelons donc que le possessif féminin ma devient mon devant un nom féminin commençant par une voyelle ; c’est pour cela qu’on dit Ma Valérie, mais Mon Isabelle, Ma coiffeuse, mais Mon esthéticienne.

Mais je crois que le pompon de l’agacement, celui qui a été cité par le plus grand nombre d’amis des mots, concerne ce que Caroline appelle "les verbes intergalactiques croiver et voyer" ! "Croiver" et "voyer" ?! Eh bien le "ils croivent" du camembert de tout à l’heure, auquel Caroline ajoute "ils ou elles voyent", comme dans "Stéphane et Jean-Sébastien ne croivent que ce qu’ils voyent". Au lieu de "Ils ne croient que ce qu’ils voient". Bien sûr, on dit nous voyons, vous voyez, et à l’imparfait ils voyaient, mais au présent c’est ils voient, pas .

Allez, j’en profite pour évoquer l’erreur qui m’agace, moi. Je souffre d’une allergie assez proche de celle de Michel, sur Facebook, qui ne supporte pas les "cent z’euros". Ce qui me crispe, et qui irrite également un dénommé Frédéric, c’est 100 Heuros, deux Heuros. Rappelons donc que l’on fait la liaison avec les euros comme avec les années : on dit "ma grand-mère a cent t’ans, donc j’ai cent t’euros, cette maison a deux cents z’ans, donc ce fauteuil vaut deux cents z’euros, mon bébé a deux z’ans, donc cette baguette coûte deux z’euros".