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Hans Asperger, le 24 août 1971
Crédit : VOTAVA / IMAGNO / APA-PictureDesk via AFP
Pendant la Seconde guerre mondiale, tandis que Vienne était sous la botte nazie, Hans Asperger, un psychiatre autrichien, froid et distant, a découvert une forme d'autisme qui portera plus tard son nom.
Jusqu'à sa mort en 1980, Asperger fut un médecin peu célèbre, mais pour ceux qui le connaissaient, il était un humaniste qui a pris des risques et qui a fait avancer la science. Mais en réalité, Hans Asperger a été complice du sinistre plan d'euthanasie mis en place par les nazis. Il a eu droit de vie et de mort sur des enfants handicapés et a fait un tri entre ceux qui étaient à son goût dignes de vivre et ceux qui ne l'étaient pas.
Au total, près de 800 patients sont morts dans le centre d'euthanasie de Spiegelgrund, pendant la Seconde Guerre mondiale. Asperger ne les a pas tués de ses propres mains, mais il a écrit les diagnostics qui les y ont conduits.
Hans Asperger est né en 1906 à Osbrunn, au nord de Vienne, dans ce que l'on appelle l'Empire d'Autriche-Hongrie, dirigé depuis près de 60 ans par l'empereur François-Joseph, qui a été le mari de la fameuse Sissi.
Asperger a grandi dans une famille modeste, catholique, très pratiquante et stricte. À l'école, c'était un élève brillant. Mais il était aussi très solitaire. Il parlait de lui d'ailleurs à la troisième personne et n'avait pas d'ami. Au lycée, passionné par les dissections d'animaux, il a décidé de devenir médecin. C'est à Vienne qu'il a entamé des études pour accomplir son rêve. L'une des capitales les plus attractives du monde, notamment dans le domaine des sciences.
À 19 ans, Asperger était déjà diplômé et il travaillait au service de psychiatrie de l'hôpital universitaire de Vienne. Ses patients étaient des enfants rebelles et hostiles à l'autorité, des délinquants habitués des maisons de redressement. Mais il y avait aussi des patients qui souffraient de handicap moteur ou physique et certains étaient atteints de troubles autistiques. Asperger était chargé de diagnostiquer ces enfants et de faire en sorte qu'en les soignant, ils puissent s'intégrer à la société. On parlait à l'époque de "pédagogie curative".
Parmi les enfants dont il s'occupait, Asperger a identifié un groupe qu'il appelait "les psychopathes autistiques", des enfants qui n'ont pas d'émotion, mais qui possèdent une intelligence hors norme. C'est la première fois que l'on découvre cette forme d'autisme.
En 1933, Asperger était un jeune médecin de 27 ans. C'est cette année-là que l'Autriche devient un pays à caractère dictatorial. Ce nouveau régime a entraîné de nombreux changements à l'hôpital, avec l'arrivée d'un nouveau directeur : Franz Hamburger, un antisémite notoire, convaincu de la supériorité du peuple allemand. Concrètement, à partir de cette année-là, en Autriche, les professeurs juifs ont été virés de l'établissement et Asperger a été nommé chef du service de pédagogie curative.
Tandis que la plupart de ses collègues étaient adhérents du parti national socialiste, Asperger a refusé de prendre sa carte. Mais il était fasciné par le pouvoir d'Hitler sur les masses.
Après l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne en 1938, Hans Asperger, lui, s'est rapproché un peu plus du nazisme. Arrive alors le début de la Seconde Guerre mondiale, les nazis ont mis en place le programme action T4 qui exige l'euthanasie de tous les handicapés et asociaux. Asperger, comme bon nombre de ses collègues, a participé au programme et travaillait pour le Spiegelgrund, dirigé par un ami d'Asperger qui fréquentait la sœur d'Hitler.
Dans le plus grand secret, ce qui s'est passé à l'intérieur de ce sanatorium ressemblait au laboratoire des savants fous dans les romans et les films d'horreur. D'immondes expériences ont été pratiquées sur les enfants, comme l'inoculation de la tuberculose ou de substances qui les font vomir.
Puis, après quelques expériences en général, les enfants finissaient assassinés. Leurs boîtes crâniennes étaient ensuite disséquées et les cerveaux conservés dans du formol. Asperger, lui, ne réalisait pas ces expériences, mais il servait de rabatteur. Il faisait le tri entre les enfants autistes. Asperger se vantait de vouloir en faire de futurs soldats envoyés sur le front et des individus qui pourraient s'élever dans la société.
Pourtant, dans le même temps, Asperger était l'un des médecins les plus réputés de Vienne. Il a intégré une commission chargée d'examiner l'état de santé de 210 enfants autrichiens qui avaient des difficultés mentales et résidaient dans des hôpitaux psychiatriques. Sur les 210 enfants, 35 ont été jugés non éducables et envoyés à la mort.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les hôpitaux psychiatriques qui ont servi au programme de l'action T4, qui a coûté la vie à 70.000 personnes catégorisées asociaux et handicapées, ont été libérés par les Alliés. Les nazis qui ont travaillé au Spiegelgrund, ont été retrouvés et jugés. Mais pas Asperger, car, contrairement à ses collègues, il n'a jamais été encarté au NSDAP, au parti nazi.
Il a ainsi pu reprendre une vie normale de médecin et a cumulé les postes à responsabilité. Pour les uns, Asperger était un excellent psychiatre, à l'écoute des enfants. Mais pour d'autres, c'était un homme violent, qui maltraitait ses patients.
Pendant des années, Asperger a été considéré comme l'un des plus grands pédopsychiatres du monde, doublé d'ailleurs d'un héros qui a osé s'opposer à Adolf Hitler en protégeant des enfants des camps de concentration. À la poignée de personnes qui pensent qu'Asperger était un nazi, ses défenseurs affirment qu'il avait en réalité un agenda caché et qu'en adhérant du bout des lèvres au régime nazi, ce médecin a moins été harcelé par la Gestapo.
Il faudra attendre 2018 pour que cet argument soit balayé et que le véritable visage d'Hans Asperger surgisse enfin. Après huit années de recherche, un historien de la médecine à l'université de médecine de Vienne, Herwig Czech, publie une étude à charge contre Asperger. Sur la base d'archives, notamment des documents personnels écrits par le médecin, ce médecin prouve qu'Asperger a consacré du temps aux enfants dotés d'un fort potentiel, mais qu'il a été complice de l'assassinat des autres.
En 2019, une historienne américaine, Edith Schaeffer, chercheuse associée à l'université de Berkeley, arrive aux mêmes conclusions. Son livre, publié en 2019, Les enfants d'Asperger, le dossier noir des origines de l'autisme, est un véritable coup de tonnerre dans le monde scientifique. Une grande partie de la communauté scientifique et des médecins militent pour que le nom même d'Asperger ne soit plus associé aux troubles du spectre autistique et que le nom d'Asperger soit banni de la psychiatrie qu'il n'a pas enrichi par ses connaissances mais qu'il a plutôt sali pour l'utiliser à des fins mortifères.
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