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António de Oliveira Salazar : qui était cet économiste portugais discret devenu un dictateur sans pitié ?

PODCAST - António de Oliveira Salazar devient chef du gouvernement en 1932. Il va alors prendre tout le monde de cours en installant la dictature la plus longue d'Europe de l'Ouest.

Photo datant de 1932 du chef de l'État portugais António de Oliveira Salazar
Crédit : AFP
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Eric Brunet & Julie Morisseau

António de Oliveira Salazar est d'abord un homme de l'ombre, un économiste austère, surnommé le magicien des finances. De fortes compétences qui le propulse, en 1932, au rang de chef du gouvernement portugais.

En peu de temps, celui qui n'a pas vraiment le profil du tyran, va prendre tout le monde de court, en mettant en place la dictature la plus longue de l'Europe de l'Ouest. À la tête de ce régime appelé l'Estado novo, "état nouveau", il va rester le maître du Portugal pendant pratiquement 40 ans.

De son temps, les libertés vont être supprimées, et plus de 30.000 personnes vont être jetées en prison pour s'être opposées à Salazar. Tandis que sa population vit dans la misère, le pays dépense pourtant une fortune pour mener des guerres coloniales en Afrique. 

Nationaliste, réactionnaire, mégalo... Le dictateur met en place une sorte de triptyque : "Dieu, Patrie et Famille", comme "Travail, famille, patrie" de Philippe Pétain.

Son arrivée au pouvoir

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Salazar naît le 28 avril 1889 dans le centre du Portugal, soit huit jours après Adolf Hitler. Élevé dans un milieu paysan très modeste, il se destine à la prêtrise. Il emprunte pourtant une toute autre direction en entrant, à l'âge de 21 ans, à l'université de la ville de Coimbra où il devient professeur d'économie. Des compétences qui vont le propulser rapidement à la tête du pays.

Il faut dire qu'au début des années 1920, le Portugal fait face à une avalanche de crises : difficultés économiques, tensions sociales, violence et instabilité politique. En 16 ans, 45 gouvernements portugais se sont succédés. Quand un coup d'État militaire éclate en 1926 et qu'une junte prend le pouvoir à Lisbonne, rien ne change. Pour sortir le pays de ce marasme, il n'y pas d'autre solution que celle de trouver un économiste compétent. Et cet homme providentiel, c'est Salazar.

Le voilà donc ministre des Finances. Il équilibre les comptes du Portugal, stabilise la monnaie, éponge la dette abyssale du pays... Et se montre très ambitieux : il sait qu'un jour ou l'autre, il deviendra le chef du gouvernement de ce pays. Pour y parvenir, il noue des alliances, manipule et met sa démission dans la balance dès qu'une décision ne va pas dans son sens.

Délation et répression massives

C'est ainsi qu'il est nommé, en 1932, président du Conseil par le chef de l'État portugais. Un an après sa nomination, Salazar instaure une nouvelle constitution qui marque le début d'un nouveau régime : "l'Estado novo", "l'État nouveau", qui a pour devise "Dieu, Patrie et Famille" et pour piliers, le catholicisme, la ruralité, le respect des traditions et le travail. Tous les partis politiques sont interdits, sauf celui de Salazar, l'Union nationale. La presse est censurée, les grèves interdites et les opposants sont traqués. La population reste maintenue dans un état de pauvreté et d'ignorance.

Au Portugal, la délation est encouragée et toute rébellion est réprimée. Les prisons sont pleines à craquer de prisonniers politiques. Beaucoup sont torturés et assassinés. Au total, 2.000 femmes vont être détenues dans les geôles de Salazar. Un camp de concentration est également construit pour parquer les opposants au Cap Vert, cet archipel au large du Sénégal, l'une des colonies portugaises. Les conditions au camp de Tarrafal sont inhumaines. Les détenus attrapent le paludisme et toutes sortes de fièvres tropicales. Au total, des dizaines de milliers de personnes ont été emprisonnées ou éliminées sous le régime de Salazar. 

Un double jeu pendant la Seconde Guerre mondiale

Partout dans le pays sont érigés des statues et d'immenses portraits à la gloire du dictateur présenté comme le sauveur de la patrie. Cette mégalomanie en fait un point commun entre Salazar et les autres tyrans de l'époque comme Hitler et Mussolini. Mais contrairement à eux, Salazar, lui, ne veut pas faire de son pays une nation surpuissante et expansionniste. 

Fidèle à son credo "tout pour la nation, rien contre la nation", l'homme à la tête du Portugal, se tient à l'écart de tous les conflits européens. C'est le cas notamment pendant la Seconde Guerre mondiale, où le pays joue un double jeu, en fournissant, à la fois, des métaux rares à l'Allemagne nazie, tout en cédant l'archipel des Açores à l'Angleterre pour y installer une base militaire. Il décrètera, tout de même, un deuil national quand il apprendra la mort d'Hitler. 

Il soutient aussi Franco pendant la guerre civile espagnole, puisqu'il envoie 20.000 Portugais aux troupes nationalistes espagnoles et signe un traité d'amitié lorsque le dictateur espagnol gagne sa guerre civile contre les Républicains. Comme lui, Salazar est un ultra-conservateur qui veut un pays catholique, nationaliste, où l'armée fait régner l'ordre. Ils ne seront pourtant jamais amis.

Finalement, l'Estado novo du Portugal des années 30 ressemble un peu à la révolution nationale mise en place à partir de 1940 par Philippe Pétain, en France. Ce dernier prétendra d'ailleurs avoir les mêmes idées que Salazar.

Un bain de sang pour garder ses colonies

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Portugal de Salazar, tout comme son voisin espagnol, s'ouvre grâce au tourisme de masse. Les constructions d'hôtels, de routes et d'infrastructures permettent de moderniser le pays. Mais il faut bien le dire, après-guerre, aux abords des années 50, la nation lusitanienne est encore totalement sous-développée et archaïque. C'est pourquoi des centaines de milliers de Portugais partent s'exiler à l'étranger, notamment en République française.

Sur la question coloniale, Salazar est sans pitié. Inquiet des mouvements indépendantistes qui gagnent l'Asie et l'Afrique, il envoie ses troupes pour réprimer les guérillas qui éclatent dans ses colonies sur ces deux continents. Pour cela, près d'un portugais sur dix est mobilisé. Les soldats utilisent du napalm, comme les Américains au Vietnam. Les leaders indépendantistes sont assassinés ou déportés au camp de concentration de Tarrafal, au Cap-Vert. Salazar impose donc la terreur et conserve ses colonies, mais au prix d'un gouffre financier et d'un bilan humain terrible. Côté africains, 100.000 civils sont tués et côté portugais, 9.000 soldats et 5.000 civils perdront la vie.

La révolution des Œillets

Au milieu des années 1960, cela fait déjà plus de trois décennies que Salazar gouverne le Portugal. Et après tout ce temps, il n'a pas changé : il ne se montre pas beaucoup en public et ne sort jamais du Portugal sauf pour rendre visite à Franco de temps en temps. Du côté de sa vie privée, c'est un mystère. Il n'est pas marié, n'a pas d'enfant, on ne lui connaît aucune conquête féminine et il n'a pas d'amis. 


Salazar meurt le 27 juillet 1970, à l'âge de 81 ans. Et son régime, l'Estado novo, ne va pas lui survivre bien longtemps. Certes, son successeur reste à peu près dans les clous, mais le Portugal va subir quatre ans plus tard une grave crise économique. Et au matin du 25 avril 1974, une chanson contestataire, Grandola, vila morena, retentit sur les ondes des radios. Les Portugais sont étonnés et ne comprennent pas ce qui se passe. Il s'agit en fait d'un signal pour que les jeunes sous-officiers s'emparent des points clés du pays : aéroports, bases militaires et banques. 

Rapidement suivis par la population qui se rebelle à son tour, ces soldats du mouvement des forces armées portent des œillets rouges plantés dans leurs fusils et accrochés à leurs boutonnières. On parle ainsi de la révolution des Œillets. En moins de 24 heures, et sans le moindre coup de fusil, la dictature est renversée, annonçant le retour de la démocratie, un mot que détestait Salazar et que les Portugais de moins de 40 ans n'avaient jamais véritablement connu.

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