Philippe Pétain : de l'homme providentiel au traître qui a collaboré avec Hitler et l'Allemagne nazie

"C'est moi seul que l'Histoire jugera". Le Maréchal Pétain a été un grand soldat pendant la Première Guerre mondiale et c'est en partie grâce à lui que la France a gagné la fameuse bataille de Verdun, ce qui lui valut une immense popularité durant des années. 

Mais Pétain, c'est aussi et surtout celui qui en 1940 a ouvert la voie à la collaboration avec l'Allemagne nazie, après la fameuse poignée de main de Montoire-sur-le-Loir avec Adolf Hitler. C'est aussi celui qui a instauré un régime autoritaire où a dominé le culte de la personnalité. Sous Vichy, Pétain a été notamment responsable des lois anti-juives, il a fermé les yeux sur les rafles et sur les déportations. 

Dans une France occupée, où les partis politiques n'existaient plus, où les libertés étaient réduites, Pétain a autorisé aussi la création de la Milice. Elle a assassiné des résistants et traqué des juifs. 

Le héros de la bataille de Verdun

Quand la Première Guerre mondiale éclate en 1914, Pétain, qui a le grade de colonel, va enfin se révéler et se faire connaître du grand public, surtout lorsqu'il est envoyé sur le champ de bataille à Verdun. C'est un passage éclair de deux mois, mais suffisamment marquant car Pétain réorganise la stratégie de l'armée française. Il revoit l'artillerie, il revoit le ravitaillement, le tracé de la seule route qui dessert Verdun, il prône la rotation des combattants, il fait construire une voie ferrée et en un temps record, il décide de miser sur l'aviation.

L'apport de Pétain à Verdun, sur le plan tactique et sur le plan stratégique, est une des clés de la future victoire française. Et c'est à partir de là qu'il devient un héros, et qu'il est dûment récompensé par les autorités françaises. Pétain est nommé commandant en chef des armées françaises. Les mutineries qui se multiplient dans les tranchées sont réprimées. 412 mutins sont condamnés à mort et 55 sont exécutés. D'autres sont envoyés aux travaux forcés dans les colonies. 

Après la guerre, Philippe Pétain sera d'ailleurs élevé au rang de Maréchal de France. Après la Première Guerre mondiale, Philippe Pétain est une des personnalités préférées des Français. Dans chaque coin de France, il y a une rue Philippe Pétain ou une rue du Maréchal Pétain. À cette époque, comme depuis le début de sa carrière, Pétain n'a pas d'opinion politique. Il suit son bonhomme de chemin sans prendre parti. Et cette image d'homme lisse lui permet d'être très populaire, à droite comme à gauche. Léon Blum, qui a dirigé le Front Populaire, déclare que Pétain est "le plus noble, le plus humain de nos chefs militaires". 

La collaboration avec l'Allemagne nazie

À ce moment, Pétain n'est pas antisémite non plus, il signe une pétition contre les persécutions des juifs dans l'Allemagne hitlérienne. Du temps de l'affaire Dreyfus, il a même été l'un des rares militaires à croire en l'innocence du capitaine Dreyfus. Il est considéré, et c'est rare, comme un officier supérieur républicain dans un monde, l'armée, où il y a beaucoup de monarchistes.

En juin 1940, alors que Paris est occupée et que l'exode pousse des millions de Français sur les routes, le Maréchal Pétain devient président du Conseil. Depuis Bordeaux, il déclare à la radio d'une voix chevrotante : "Je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur". Et il ajoute : "C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat". Quelques jours plus tard, le 22 juin, l'armistice est signé avec l'Allemagne nazie. La France est coupée en deux. La zone occupée est au nord et à l'ouest. Et dans le sud, c'est la zone dite "libre". Le 10 juillet, le Parlement vote les pleins pouvoirs au Maréchal par 569 voix contre 80 et 17 abstentions. 

Après 70 ans d'existence, la Troisième République met un genou à terre et c'est le début du régime de Vichy. Pétain allait plein pouvoir et ceux qui ont voté pour lui sont des parlementaires de gauche, de droite, du centre. Les libertés publiques sont suspendues. Les partis politiques et les syndicats sont interdits. Toutes les assemblées sont supprimées et des milliers de maires sont démis de leurs fonctions. À la place, Pétain prône la révolution nationale avec comme slogan "Travail, famille, patrie". Ce triptyque remplace "Liberté, égalité, fraternité". Le régime autoritaire du Maréchal Pétain s'appuie sur l'armée, sur l'église, sur les ouvriers, sur les paysans. Ses ennemis sont le capitalisme, le communisme, les francs-maçons et les juifs.

Assassinats, tortures et déportations

Quelques semaines à peine après son arrivée au pouvoir, et sans que les nazis ne lui demandent, Pétain promulgue le premier statut des juifs qui les exclut de la fonction publique, de l'armée, de l'enseignement, de la presse, de la radio et du cinéma. Ceux qui sont, selon le nouveau régime, en surnombre sont écartés des professions libérales. Ce premier statut, préparé par un ministre de Vichy, a été durci par Pétain lui-même, comme l'a montré l'original du texte dévoilé il y a quelques années. 

Au fil du temps, les discriminations à l'égard des juifs montent crescendo. En 1941, le deuxième statut des juifs allonge la liste des professions interdites. Ils ne sont plus que 3% à pouvoir travailler à l'université, 2% dans les professions libérales et ils peuvent être internés sur simple décision des préfets. Les Juifs doivent céder leurs droits sur les entreprises. Leurs biens sont spoliés et c'est le sinistre commissariat aux questions juives qui s'en occupe. À partir de l'année 1942, les Juifs sont livrés aux Allemands, notamment lors de la rafle du Vél d'Hiv à Paris. Le Maréchal Pétain garde le silence sur ces horreurs. Il a aussi dans le viseur des personnalités politiques et militaires de la Troisième République, responsables selon lui de la défaite de 1940, comme le socialiste Pierre Mendès France, comme Léon Blum, comme Édouard Daladier. Il en fait même traduire certains en justice pour les condamner. 

Mais cette mascarade n'ira pas plus loin et ce sont les nazis qui demanderont finalement l'arrêt de ces procès. Il donne son accord à la création de la Milice demandée par Hitler. Milice qui va commettre des assassinats, pratiquer la torture et participer avec la Gestapo aux rafles contre les juifs. Pétain autorise aussi l'envoi de travailleurs français en Allemagne dans le cadre du service du travail obligatoire, le STO. Mais le Maréchal est dépassé par la collaboration. De plus en plus en retrait, il songe à quitter le pouvoir, ce que les nazis, eux, refusent. 

Jugé pour intelligence avec l'ennemi et haute trahison

Le débarquement du 6 juin 1944 met en grande difficulté les troupes allemandes qui occupent la France. En août 1944, le Maréchal Pétain est emmené de force en Allemagne avec son épouse et quelques fidèles. Il atterrit à Sigmaringen, une paisible ville d'eau située au bord du Danube. C'est là que se trouve le dernier carré des vichystes qui croient encore, ou qui fait peut-être encore semblant de croire, à une victoire des nazis. Soit un gros millier de collabos et de miliciens. Comme Pétain est le prisonnier le plus VIP des Allemands, il s'installe avec sa femme au dernier étage d'un château du Moyen-Âge avec la plus belle vue qui soit sur le Danube.

Capturé par le gouverneur militaire de Paris, Pétain est transféré sous escorte à Paris, en train. Puis, il est emprisonné pendant trois mois avec son épouse au fort de Montrouge, où sont fusillés les principaux collaborateurs du régime nazi. Dans cette France chaotique, toute fraîchement libérée, Pétain, lui, attend son procès. Un procès qui va se dérouler en plein été 1945. Dans un palais de justice de Paris plein à craquer, il est jugé pour intelligence avec l'ennemi et haute trahison. Il encourt la peine de mort. Vêtu de son uniforme de Maréchal, il ne dit rien pendant les trois semaines de procès. Et il affiche son éternelle froideur. Le jour du verdict, la sentence tombe. Pétain est reconnu coupable d'indignité nationale, condamné à la dégradation nationale et surtout condamné à mort. Il accueille le verdict avec sa traditionnelle impassibilité. 

Mais Philippe Pétain est très âgé et sa peine est alors commuée en prison à vie par le général de Gaulle, alors chef du gouvernement provisoire. D'abord interné dans un fort militaire au cœur des Pyrénées, Pétain est ensuite incarcéré à l'Île-Dieu, en Vendée, enfermé dans une citadelle balayée par les vents et dont il est le seul occupant. Après 5 ans et demi dans son fort, Pétain, malade, devenu sénile, est autorisé à s'installer dans une petite maison, toujours à l'île Dieu. Il y reste à peine un mois et meurt en 1951 à l'âge de 95 ans. 

>> Les Salauds de l'Histoire. À travers un récit long format, Éric Brunet retrace, toutes les semaines, la vie et les crimes d'un salaud de l'Histoire. Une collection spéciale de notre émission phare Entrez dans l'Histoire.

L’actualité par la rédaction de RTL dans votre boîte mail.

Grâce à votre compte RTL abonnez-vous à la newsletter RTL info pour suivre toute l'actualité au quotidien

Je créé mon compte Se connecter

S’abonner à la Newsletter RTL Info