Dix jours après la prise de contrôle d'Elon Musk, les contours du remaniement de Twitter commencent à se dessiner. Après avoir congédié la direction de l'entreprise et la moitié de ses effectifs, le milliardaire entend donner rapidement une nouvelle orientation à la plateforme afin de la libérer de ses problèmes récurrents de rentabilité alors que ses revenus sont essentiellement issus de la publicité.
La mesure qui suscite le plus de réactions est sans nul doute le lancement d'un abonnement payant pour les utilisateurs désireux de voir leur compte estampillé d'un badge de certification.
Symbole d'authenticité et de légitimité pour reconnaître les personnalités et les comptes d'intérêt public sur la plateforme, la fameuse coche bleue, actuellement accordée à quelque 420.000 utilisateurs, sera bientôt accessible aux 240 millions d'usagers quotidiens, moyennant un abonnement à Twitter Blue facturé 7.99 dollars par mois.
Elon Musk estime que réserver les comptes certifiés aux personnes publiques est "une forme de féodalisme". "Pouvoir au peuple: Votre compte recevra une coche bleue, tout comme les célébrités, les entreprises et les politiciens que vous suivez déjà", promet ainsi depuis samedi la dernière mise à jour de l'application aux États-Unis, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni, les premiers marchés éligibles à cette offre en attendant son déploiement à grande échelle.
Le nouveau système n'impliquera pas de vérification de l'identité des internautes souscripteurs par la plateforme, seulement via la carte bancaire reliée au compte, un point très critiqué qui pourrait ouvrir la voie à une recrudescence de fausses informations et manipulations en tous genres. Face au risque de déstabilisation des élections de mi-mandat aux États-Unis, le lancement du nouvel abonnement aurait été reporté du 7 au 9 novembre, au lendemain du scrutin. Selon certaines sources, les utilisateurs actuellement vérifiés auraient 90 jours pour s'abonner ou perdre leur coche bleue.
Il n'aura pas fallu longtemps pour observer les premiers effets de bord de la mesure. De nombreux utilisateurs ont pris Elon Musk à son propre jeu en arborant une photo de profil à son effigie et en renommant leur compte fraîchement certifié. D'autres se sont faits passer pour des personnalités publiques américaines afin d'influencer les votants aux élections de mi-mandat américaines.
Soucieux de rassurer les annonceurs et les critiques qui craignent une explosion des discours de haine et des manipulations sur la plateforme, Elon Musk a annoncé que les comptes Twitter qui se font passer pour quelqu'un d'autre "sans spécifier clairement" qu'ils sont parodiques seront suspendus de façon permanente. "Tout changement de nom causera une perte temporaire de coche bleue", a-t-il ajouté, précisant que les pseudonymes restaient autorisés dans la mesure où ils ne cherchent pas à tromper à des fins malveillantes.
Outre le badge bleu, la refonte de Twitter Blue promet un certain nombre d'avantages, comme une priorité donnée à l'affichage des tweets des utilisateurs certifiés et une exposition moindre aux publicité. La formule prévoit aussi de faire tomber certaines digues de la plateforme actuelle, en donnant la possibilité de publier des notes vocales et des vidéos plus longues. La limite des vidéos pourrait ainsi passer de 2,20 à 42 minutes pour les abonnés à Twitter Blue.
Elon Musk souhaite en outre "mettre fin à l'absurdité des captures d'écran du bloc-notes" en permettant à ses abonnés de publier des tweets au-delà de la limite actuelle de 280 caractères. Plus largement, le milliardaire entend proposer des outils supplémentaires aux créateurs pour leur permettre de monétiser leurs contenus et les inciter à les publier nativement sur Twitter plutôt que de reposter ceux qu'ils ont réalisés sur d'autres plateformes.
Un temps évoqué, le retour des bannis ne sera finalement pas pour tout de suite. L'une des premières décisions d'Elon Musk à la tête de Twitter a été de reporter la levée de la suspension des comptes comme celui de Donald Trump qui ont été retirés de la plateforme le temps d'établir un processus clair pour le faire, "qui prendra au moins quelques semaines". Soit après les élections de mi-mandat aux États-Unis. Un conseil de la modération des contenus sera formé en ce sens "composé de représentants aux opinions très divergentes, qui incluront certainement la communauté de défense des droits civils et les groupes confrontés à la violence motivée par la haine".