C'est la fin d'une partie de ping-pong entre juridictions. La Cour de cassation a tranché définitivement lundi 7 novembre la question de savoir si une personne interpellée avait l'obligation ou non de transmettre à la police le code de déverrouillage de son smartphone pendant sa garde à vue en cas de réquisition.
Cette question sensible juridique était examinée par l'assemblée plénière de la haute juridiction de l'ordre judiciaire après une décision rendue par la Cour d'appel de Douai contraire à la jurisprudence en la matière selon laquelle le refus de communiquer le code de déverrouillage de l'écran d'accueil d'un téléphone portable aux autorités judiciaires peut constituer un délit.
Cette jurisprudence s'appuie sur le fait que les smartphones Android et les iPhone proposent depuis plusieurs générations un système de chiffrement activé par défaut qui rend illisible le contenu de l'appareil pour toute personne ne possédant pas la clé de déchiffrement, à savoir le code PIN, le mot de passe ou le schéma défini par son propriétaire.
La France prévoit depuis 2016 et la loi contre le terrorisme un emprisonnement de trois ans et 270.000 euros d’amende pour toute personne refusant de remettre aux autorités judiciaires la "convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie", lorsque ce moyen a été impliqué dans un délit ou un crime. Des peines alourdies lorsque la révélation du code aurait permis d’éviter ou de limiter les effets d’une autre infraction.
À l'origine de cette question juridique, dans un dossier de stupéfiants, un homme interpellé en possession de cannabis avait refusé de donner les mots de passe de ses deux téléphones portables durant sa garde à vue. L'individu avait été renvoyé en correctionnelle pour son méfait mais aussi pour avoir refusé de remettre la "convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie" susceptible d'avoir été utilisée pour commettre cette infraction, un délit passible de trois ans de prison. Mais il avait été relaxé par le tribunal correctionnel de Lille et la cour d'appel de Douai au motif que ce code ne constitue pas en soit une "convention de déchiffrement" ne servant pas à décrypter des données, mais un simple moyen de débloquer l'écran d'accueil d'un téléphone.
Saisie à deux reprises dans le cadre de cette affaire, la Cour de cassation a confirmé sa première décision de 2020, selon laquelle "le code de déverrouillage d’un téléphone mobile peut constituer une clé de déchiffrement si ce téléphone est équipé d’un moyen de cryptologie". En d'autres termes, le détenteur d'un téléphone protégé par un mot de passe est tenu de donner aux enquêteurs le code de déverrouillage sous peine de commettre un délit de "refus de transmettre une convention secrète de déchiffrement".
Par cette décision, la plus haute juridiction a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Douai, qui aura désormais l'obligation de la suivre. L'affaire de stupéfiants initiale est pour sa part renvoyée devant la cour d'appel de Paris pour que le prévenu soit jugé en prenant en compte la décision de la Cour de cassation. Une procédure est toujours en cours en parallèle au niveau européen. Mais les spécialistes estiment que la Cour européenne des droits de l'homme devrait suive la position des juridictions françaises.
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