Dans le dernier épisode du podcast "Symptômes", le docteur Nathan Ebstein évoque le cas d’un patient, hospitalisé pour des troubles neurologiques et une insuffisance cardiaque. Déjà pris en charge en 2019, l’homme revient deux ans après, avec des troubles similaires mais décuplés.
En une semaine, le patient de 56 ans, comptable et père de deux enfants, perd progressivement l'usage de ses membres. A cette paralysie s’ajoutent des problèmes respiratoires importants et l’apparition d’œdèmes aux chevilles. "Ce qui nous inquiète, ce n'est pas tant le déficit des jambes et des bras, parce que ça ne met pas en péril sa vie, mais il commence à développer des défaillances d'organes, il risque le décès", explique le médecin.
Pourtant, le dossier médical montre, à première vue, aucun antécédent pouvant expliquer une telle situation. Aucun diabète, aucune hypertension artérielle ou maladies chroniques... Le patient était jusqu'ici en bonne santé. Face à l’urgence de ce cas, l’équipe du docteur Ebstein se retrouve démunie. Plusieurs pistes explorées restent un échec et l’état du malade se détériore.
On sait très bien qu'il y a des carences vitaminiques B1 qui peuvent donner des atteintes neurologiques, qui peuvent également devenir des atteintes cardiaques
Docteur Nathan Ebstein
"On sait très bien qu'il y a des carences vitaminiques B1 qui peuvent donner des atteintes neurologiques, qui peuvent également devenir des atteintes cardiaques", explique le médecin. Cette carence est notamment connue chez les grands alcooliques chroniques. Néanmoins, l’homme ne présente aucune dépendance ou addiction notable. L’hypothèse s’avère donc peu convaincante.
Pourtant, un élément majeur du dossier médical du malade semble jusqu’ici, être passé inaperçu. "Il y a effectivement un élément qui traîne dans les comptes rendus comme antécédent chirurgical en 1988, au cours d'un voyage en Turquie. Il a été opéré de l'estomac pour un ulcère. On n'a pas beaucoup plus d'informations", précise le docteur Ebstein.
Passée sous le radar, la clé de l’énigme était pourtant sous les yeux des médecins. L’opération subie par le patient en Turquie était en réalité, beaucoup plus importante. "On lui avait retiré quasiment la moitié de l'estomac et donc la partie de l'estomac qui participe à l'absorption de la vitamine B1", contextualise le pneumologue. Après une opération bariatrique de telle ampleur, on doit normalement être suivi et absorber des supplémentations vitaminiques. Ce que n'a pas eu cet homme et dont Nathan Ebstein raconte l'histoire dans le podcast "Symptômes".
Cette histoire m'a appris qu’il ne fallait
probablement rien négliger et qu'il fallait rester ouvert à des éléments un peu insignifiantsDocteur Nathan Ebstein
Céréales complètes, viande de porc, levure… la vitamine B1 est présente dans de nombreux aliments du quotidien. Essentielle au fonctionnement du corps, elle joue un rôle majeur dans le métabolisme des glucides. Sans elle, les nerfs et les muscles ne peuvent fonctionner correctement.
Ce déficit de vitamines B1, aussi appelé maladie de Béribéri, se manifeste généralement sous deux aspects. La forme sèche entraine, entre autres, une sensibilité réduite, une réduction de la masse musculaire, ou encore, des symptômes neurologiques. La forme humide, quant à elle, provoque notamment des œdèmes et une insuffisance cardiaque importante. Cette carence peut être dangereuse voire mortelle si elle n'est pas soignée à temps.
Aujourd’hui, la maladie se traite par une supplémentation en vitamine B1, par injections puis par voie orale. De par sa rareté, notamment en Occident, cette carence se présente comme la grande oubliée des diagnostics. "Cette histoire m'a appris qu’il ne fallait probablement rien négliger et qu'il fallait rester ouvert à des éléments un peu insignifiants", explique Nathan Ebstein.
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