Quel est le point commun entre les défenses immunitaires, des souris qui nagent et la dépression ? À première vue, pas évident de répondre. Giulia Enders y parvient pourtant dans son livre Le Charme discret de l'intestin, qui a fait sensation depuis sa sortie en Allemagne en 2014 et s'est vendu à plus d'un million d'exemplaires, selon l'éditeur.
Cette jeune doctorante en médecine y présente son travail de recherches sur le rôle clé de l'intestin dans l'organisme. Avec humour et précision, elle fait le point sur la recherche autour de ce sujet longtemps dénigré. Très pédagogique, le livre est accompagné d'illustrations réalisées par sa sœur, Jill Enders, graphiste. Il propose aussi des conseils accessibles à tous, pour apprendre à connaître son intestin et à bien le traiter.
Par rapport à l'ensemble du corps, le cerveau semble éloigné de tout, dans sa boîte crânienne. L'intestin, lui, est, selon Giulia Enders "au coeur de la bataille". Tout d'abord, il constitue les deux tiers de notre système immunitaire : 80% de nos cellules immunitaires sont en effet logées dans l'intestin. Ensuite, il connaît chaque molécule de notre dernier repas, attrape les hormones qui voyagent dans notre sang et surveille en même temps les milliers de bactéries intestinales qui le composent.
Pour pouvoir collecter toutes ces informations, l'intestin dispose d'un système nerveux conséquent "et d'une surface si vaste qu'elle fait de lui l'organe sensoriel le plus étendu du corps." Ce rôle central fait qu'une mauvaise santé intestinale peut être liée à certains cas de diabète, à des problèmes de peau (Giulia Enders en a elle-même fait l'expérience) ou de libido.
"95% de la sérotonine (hormone du bien-être) que nous produisons nous-même est fabriquée… où ? Dans les cellules de l’intestin", explique Giulia Enders, pour qui l'état de notre intestin influe sur l'état de notre psychisme. La chercheuse cite d'ailleurs une étude, réalisée sur des souris en 2011 et particulièrement parlante. Un chercheur irlandais a nourri la moitié d'un groupe de souris avec une bactérie connue pour être particulièrement bénéfique à l'intestin, avant de les faire nager dans une bassine d'eau où elles n'avaient pas pied. Ce test permet de juger de l'état dépressif de quelqu'un, en montrant à partir de combien de temps la personne (ou la souris) abandonne et cesse de nager pour sa survie.
Résultat, les souris ayant été nourries de la sorte ont nagé plus longtemps que les autres, leur sang contenait en outre moins d'hormones de stress et ont ensuite mieux réussi que les autres des tests de mémoire et d'apprentissage.
Si l'on devient pâles avant de vomir, c'est parce que le sang quitte nos joues pour se réfugier dans le ventre. Le vomissement est le résultat d'un état d'alerte déclenché par l'organisme et capté par le cerveau, qui stimule plusieurs muscles et provoque aussitôt cette réaction inéluctable. Ce sont les capteurs analysant le contenu de notre estomac qui ont sonné l'alerte et l'ont transmise au cerveau. En fonction de la gravité de la situation, le cerveau donne le top départ ou s'abstient. L'être humain est spécifiquement conçu pour vomir, à l'inverse de certains animaux, comme les chevaux, dont l’œsophage est trop long, et qui n'ont pas de nerfs dédiés à cette fonction.
Le vomissement est toujours bénéfique mais il en existe plusieurs types. Dans le cas d'un rejet violent et soudain, il y a fort à parier qu'il s'agit d'un virus de gastro. Les récepteurs auront capté un trop grand nombre d'agents pathogènes, par rapport à ce que peut tolérer le système immunitaire, et auront décidé de les expulser. Dans le cas d'un vomissement précédé de nausées, il s'agit souvent d'une intoxication alimentaire. Concernant le mal des transports ou le grand huit qui ne passe pas, le vomissement serait le résultat d'une alerte déclenchée par le cerveau, désorienté, parce que les informations captées par les yeux diffèrent trop nettement de celle perçues par les oreilles. En cas de stress cérébral, enfin, vider son estomac permet d'économiser de l'énergie, que le cerveau va utiliser pour affronter le problème rencontré. C'est pour cela que nous vomissons parfois à causes d'émotions trop fortes.
Le corps humain ne prévoit pas de pouvoir faire ses besoins en position assise ou debout. "Dans ces deux positions, un muscle enserre notre intestin comme un lasso, et tire de manière à créer un coude", explique Giulia Enders. Quand les excréments arrivent à cet angle, le transit ralentit et le tout prend plus de temps et est plus laborieux. La position accroupie serait donc la "meilleure". Dans les pays où les toilettes sont "à la Turque", comme en Asie, les hémorroïdes, qui peuvent êtres dues à une pression trop forte exercée sur l'intestin, n'existent quasiment pas.
La chercheuse recommande donc d'utiliser un petit tabouret pour rehausser ses jambes et retrouver sur les toilettes un semblant de position accroupie. Sans tabouret, on peut aussi se pencher en avant, pour une version moins confortable.
Il existe trois hypothèses qui expliqueraient le lien entre surpoids et bactéries intestinales. Selon la première, il y aurait trop de bactéries "faisant grossir" dans la flore intestinale de certaines personnes : ce type de bactéries, spécialisé dans le métabolisme des glucides, tire plus de substances de la nourriture qu'il ingère. A parts de nourritures égales, certaines personnes tireraient donc tout simplement plus de substances, et auraient une flore moins diversifiée.
La deuxième hypothèse s'intéresse à une inflammation. Quand l'alimentation est trop grasse notamment, les bactéries sont plus nombreuses à parvenir dans le sang. En réaction, le corps produit une inflammation, et cette inflammation, dite "subclinique", fait grossir, à l'inverse des "vraies" infections qui affaiblissent le corps, car le corps stocke alors plus de graisses. Certains troubles métaboliques, comme le surpoids ou le diabète, sont ainsi souvent associés à une plus grande présence dans le sang de marqueurs inflammatoires. Selon la dernière hypothèse, les bactéries de l'intestin pourraient tout simplement agir sur l'appétit de leur hôte. Les fringales ne seraient pas forcément induites par le cerveau, mais par notre ventre.
Si ne nombreuses bactéries peuplant notre intestin sont très bonnes pour lui, on peut lui en éviter certaines avec quelques habitudes. Tout d'abord, il faut savoir que les planches à découper en bois sont de vrais nids à microbes. Avec leurs rainures, elles stockent certaines bactéries contenus par les viandes crues notamment, ou les légumes non lavés. Ensuite, tout ce qui est en contact avec de la viande crue, de l’œuf cru ou de la coquille d’œuf, doit être soigneusement rincé à l'eau chaude. Pour les plates nécessitant des œufs crus qui ne seront pas cuits (comme le tiramisu), mieux vaut qu'ils soient bien frais.
Enfin, si les antibiotiques permettent de sauver des vies, il font aussi des dégâts dans l'organisme car ils ciblent aveuglément les bactéries, bonnes ou mauvaises. Il ne faut donc pas les prendre à la légère. Mais quand ils s'imposent, il faut s'assurer de suivre toute la durée du traitement et la posologie, parce qu'une utilisation trop courte ne permet pas de tuer efficacement les bactéries nuisibles, mais permet à celles-ci de s'entraîner à devenir plus résistantes aux antibiotiques.
De même, il faut privilégier dans la mesure du possible la consommation de viande bio. Car si la résistance